Si on pense à des portraits réussis de bad guys dans les westerns, il nous vient en mémoire ceux que fit Budd Boetticher avec sa serie de films entre 1956 et 1960, des films où chaque outlaw était opposé à Randolph Scott, charismatique et hiératique figure du bien.
Mais quand on voit (ou revoit) nombre de petits westerns des années 50 ou 60 on s’aperçoit que c’était une tradition étendue et que même des réalisateurs dont plusieurs films sont à fuir pouvait réussir d’excellents portraits de bandits. Tel est celui-ci, joué par un acteur qui figure des héros dans d'innombrables feuilletons à la télévision, Darren McGavin, ici dans un film de R.G. Springsteen.
Effrayé par le nom du réalisateur, je n’ai vu le film qu’avec réticence, tant m’avaient fatigué 5 de ses films tournés entre 1964 et 1966 : les médiocres Taggart (5000 dollars mort ou vif), 1964 - celui-ci a une petite célébrité chez les cinéphiles, je me demande pourquoi - et Apache Uprising (Sur la piste des Apaches), 1965; surtout il y a les horribles Johnny Reno (Toute la Ville est Coupable), 1966, et Waco (La Loi des Hors la Lois), 1966. Il n’y a guère que Black Spurs (les Eperons noirs) 1965 (avec Rory Calhoun, une autre vedette de serie B) qui est assez sympathique.
Dans celui-ci, Bullet for a Bad Man, tourné en 1964, le méchant (Darren McGavin) et le bon (Audie Murphy) sont deux ex Texas Rangers, des ex grands amis, l’un devenu un outlaw et l’autre un fermier, marié avec l’ex femme de son ami et le pere adoptif de son fils... D’où une tension évolutive entre les deux, qui est un des s de la narration.
Un autre fil est l’attaque de la banque du début, qui échoue, et qui est très bien montée et exposée (elle est inspirée par la description abondante que firent les journaux et les livres qui racontent l’histoire des Dalton et du raid raté sur la Minnesota Bank du Missouri, une scene reprise dans d’autres films, dont The Wild Bunch, la Horde Sauvage, de Peckinpah, où elle est incandescente).
Alors, une milice va poursuivre le bandit survivant, en se joignant à Audie Murphy, lequel le recherche pour sa propre cause (familiale). Mais le "posse" de bons citoyens s’acharne plus pour voler le magot que pour la justice ou la récompense.
Ce deuxième fil narratif est assez riche car les membres de ce groupe qui se sont alliés pour de mauvaises raisons sont prêts à en découdre entre eux, et ils se retiennent à peine d’exécuter le bandit, une fois qu’il est attrapé. Tout ceci est assez proche de la trame de The Naked Spur, l’Appât et même s’il on est loin du chef d’ oeuvre de Anthony Mann c'est quand même crédible et interessant.
Les rebondissements dans ce film sont très nombreux et ce ne sont pas que des clichés.
On remarque alors une bizarrerie de la réalisation : la coexistence du talent (vraiment inattendu chez ce réalisateur) et de la paresse. Chaque scène d’action est soignée dans son exposition et dans son montage, et toutes sont réussies. Mais dès que l’action retombe (discussions, scènes d’amour, pause) tout se fige, et la narration devient une exposition scolaire, peu attrayante, réalisée et présentée comme si ce n’était qu’une transition sans intérêt.
Et ainsi, de péripétie en péripétie, certaines dans les paysages splendides du Zion National Park et du Snow Canyon (magnifiés par un très beau Eastmancolor), et y compris en subissant des attaques d’indiens, le bad guy évolue d’une position de psychopathe avide au gain à celle de rival haineux ; puis d'un homme blessé dans sa paternité, qu’il n’avait pu assurer, jusqu'à une position de gratitude envers l’homme loyal qui l’a arrêté et qui le protège des lyncheurs ; et il aura un geste final rédempteur, de sacrifice, qui n’est pas du tout ridicule.
Gunfight final : un membre du posse essaye de tirer dans le dos du héros mais le rival de celui-ci déjà blessé s’interpose.
(Notule de 2018 publiée en mai 2025).