Naturalisme, lyrisme...magnifisme
Adèle est en moi, elle a laissé à jamais une trace dans ma vie puisque je viens de partager la sienne. Je l'ai vue jeune et devenir femme, j'ai partagé ses joies, ses peines, ses sourires, ses moues, ses larmes, ses rires, ses cris, ses hurlements...Adèle m'a ému, j'ai vécu son quotidien et chaque moment é avec elle était précieux. Comme un instantané de perfection sans cesse renouvelé.
C'est compliqué de décrire ce que je ressens, même quelques heures après avoir vu le film. L'immersion dans la vie d'Adèle colle presque comme une seconde peau. Parfois je me retrouve hanté par un film, mais ici c'est différent, ça va au delà de ce sentiment. Sous l'égide de Kechiche, Adèle m'a happée sans jamais desserrer l'étreinte, même si je n'ai jamais cherché à m'enfuir. Je me sentais trop bien et si mal en sa présence.
C'est remarquable, la justesse, l'authenticité de l'histoire campe avec une incroyable résonance. Nulle échappatoire est envisageable, chaque scène apporte son lot de splendeurs et nous rapproche toujours plus d'Adèle. La profusion de gros plans pourrait avoir un côté oppressant, j'ai trouvé cela totalement libérateur. Plus qu'un visage Kechiche nous donne la clé de l'âme qu'Adèle transmet si bien. Une transparence totale avec le souci du moindre détail. Une simplicité du quotidien en parvenant à le magnifier.
Adèle, cette jeune femme qui se cherche, à la fois généreuse et mortifiée de doutes. Un parcours spirituel, émotionnel, sensuel, sexuel. Une découverte de soi, de ce qu'elle est, de qui elle est. Plus qu'un être vivant, une bonne vivante où tout s'entremêle. Plaisir de la chair et de la table, Adèle goûte à tout. Elle est aventureuse et timorée, entrepreneuse et figée. Tout se lit à travers son visage, c'est un livre ouvert et j'ai eu à la fois hâte de dévorer la prochaine page et j'ai regretté mélancoliquement d'avoir lu si rapidement la précédente.
C'est cette proximité continue qui fait la singularité de cette histoire. Il est impossible de prendre du recul, c'est la capture de l'instant présent et c'est à prendre ou à laisser. Quand Adèle est fébrile, on l'est avec elle. Si elle est gênée c'est moi qui rougis. Lorsque sa voix a des trémolos, je pleure avant elle. Son histoire d'amour avec Emma est fusionnelle, sensorielle, bestiale. Elles se nourrissent et se consument l'une et l'autre. Emma lui montre son reflet, c'est à la fois tellement attirant et effrayant. Mais Adèle l'aime éperdument car plus qu'une complice de vie c'est un modèle à qui elle envie sa liberté, son talent et son aisance. Moins ses amies...
L'amour finit mal en général, et la rupture sera bouleversante et cuisante pour Adèle qui ne s'en remettra sans doute jamais. Un premier amour ça se conserve précieusement, c'est une partie d'elle qui meurt mais il faut cependant continuer à vivre. Le spectateur privilégié que je suis devra bien s'en remettre aussi.
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