C'est le premier des douze films que Jean Gabin tournera pour Grangier et déjà l'alchimie est impressionnante.
Une histoire classique du type porté disparu qui revient dix ans après ou presque, sa femme remariée, ce genre de choses... Ici, c'est le monde des péniches et du Rhin, Strasbourg après-guerre, le capitaine aux petits oignons, sa fille accorte, des personnages de film noir aussi avec une voix off bien utilisée...
Ambiance parfaitement retranscrite avec une très jolie photographie, le soin donné aux détails qui fait de la filmographie de Grangier un petit délice de reconstitution des années cinquante, ça sent le cambouis et le vent humide, Gabinou arrive inexorablement, presque mutique, je-m'en-foutiste comme rarement et ça se regarde de la meilleure volonté du monde.
C'est encore le Jeannot intermédiaire, plus le jeune premier ténébreux d'avant-guerre, pas encore le vieux comique hystérique, non, le Jeannot d'entre deux-âges, celui qui pouvait encore plaire aux jeunes filles sans choquer le spectateur, sobre comme un chameau, dur comme l'acier, tendre comme le pain, le Jeannot plus Français que nature, un ancien modèle, la maison n'en commande plus...