Un film déroutant. S'il s'inspire de faits réels, et que Aurora Rodíguez Carballeira a bien décidé de concevoir un enfant dans le but d'en faire un enfant prodige, la réalisatrice s'attarde sur la relation mère-fille toxique et abusive, voire maltraitante.
Dès son plus jeune âge, Hildegart a droit à une éducation stricte à tous les niveaux, tant artistique, qu'alimentaire, scolaire, hygiène, étude de plusieurs langues, musicale, obligation de lecture durant 2/3 heures par jour.
La petite fille parle couramment à 2 ans, sait lire à 4 ans.
Il n'y a pas de place pour les distractions.
L'atmosphère du film est particulière mais scotchante.
La réalisatrice s'attarde peu sur la petite enfance d'Hildegart.
Elle relate plus l'histoire familiale à partir des 16 ans de la jeune fille.
Sa mère entend tout lui apprendre elle-même, y compris la sexualité. La scène où on voit la mère et sa fille assises l'une en face de l'autre, un miroir à la main, avec explications à haute voix de la mère, faisant allusion au fait que les filles n'ont pas besoin du sexe opposé pour obtenir du plaisir a quelque chose de dérangeant.
Toute la vie d'Aurora consiste à éduquer sa fille, l'empêcher d'avoir des ami(e)s, de se tourner vers le monde extérieur, hormis la politique, à condition de rester à ses côtés.
L'on a tendance à croire qu'Aurora pourrait avoir raison lors d'une scène importante de rencontre politique, où l'on écoute Hildegart s'adresser à l'assemblée et dire: "Vous êtes environ 70 hommes et nous ne sommes que deux femmes". "Vous niez la moitié de la population, à savoir, les femmes". "Nous n'existons pas pour vous". Ce à quoi, ils sont bien en peine de répondre.
En Espagne, la femme a 20 ans de retard, peut-on entendre également.
Très tôt Hildegart va écrire des livres relatifs à la révolution sexuelle des femmes et sa mère va percevoir les gains obtenus à la suite de la parution de ses écrits.
La mère fait de sa fille, très tôt une féministe engagée, sans qu'elle ne connaisse rien aux hommes. Elle en fait également une militante socialiste.
Scène incongrue. Elles se rendent à un match de tennis, vêtues de noir, alors que tous et toutes sont vêtu(e)s de blanc. À la question d'Hildegart à sa mère: "Pourquoi"? Celle-ci lui répond qu'une femme est libre lorsqu'elle se libère des injonctions extérieures.
Autre scène dérangeante, l'une des scènes du bain, durant laquelle, la mère lave sa fille de 16 ans. Inouï. Elle lui dit clairement, en désignant du doigt, les parties de son corps, que son sexe, c'est Freud, son coeur, Nietzche et son cerveau Marx.
Elle lui répètera à plusieurs reprises et ce, dès son plus jeune âge, que: "Les hommes sont de beaux parleurs, un pied dans la mer, l'autre sur le rivage, jamais fidèles à votre coeur"."Ne soupirez plus Mesdames, laissez les aller"..
Cela en dit long sur l'autoritarisme de la mère et sa conception de la liberté de la femme.
C'est durant ce match, qu'Hildegart va découvrir un peu du monde extérieur et engager la conversation avec Abel, sans pouvoir pour autant aller plus, loin, sa mère lui dit: "viens on s'en va".
Il y aurait une possibilité d'ouverture sur le monde extérieur lorsque Hildegart est conviée à se rendre en Angleterre pour ses écrits. Mais sa mère l'oblige à taper à la machine une lettre de refus de s'y rendre, prétextant avoir à faire à Madrid.
L'on assiste durant tout le film à un huis clos entre la mère et la fille, rompu par de rares moments par la servante de la maison, Macarena.
Auprès d'elle, la jeune fille va trouver une sorte de compensation affective et de complicité.
Elle est à l'écoute des nouveaux sentiments amoureux de la jeune fille.
Macarena va organiser une rencontre entre Hildegart et Abel et éloigner la mère le temps d'une soirée.
Cette dernière va assister à un concert de Pepe, son neveu, destiné à être prodige mais ayant échoué.
Ce fameux soir, Aurora, lorsqu'elle se rendra compte qu'elle n'a jamais été invitée par Pepe, se hâte de rentrer à la maison surveiller sa fille.
Heureusement, cette dernière est rentrée et déjà couchée.
Mais la mère va jusqu'à vérifier tous les vêtements de sa fille, à les sentir, tout comme elle a humé l'odeur de sa fille couchée, histoire de déceler si oui ou non elle est sortie de son côté, ce soir là. Ses craintes se révèlent positives.
Elle décide alors que tout doit changer dans cette maison et va même jusqu'à inviter Abel à diner. Mais c'est un piège de sa part et le jeune homme est arrêté par des policiers venus l'interpeller.
Seulement à partir de ce moment là, Hildegart va ENFIN se rebeller contre sa mère.
Elle part à la recherche de Macarena, partie de la maison, sans avoir donné d'explications à Hildegart.
Hildegart la menace de révéler à la police sa complicité avec sa mère, si elle ne va pas sous 48 heures, expliquer elle-même qu'Aurora, la mère, a tout manigancé pour faire arrêter Abel à tort.
Lorsqu'elle rentre, elle se heurte à sa mère, laquelle continue à ne voir en elle, que la petite fille qu'elle a façonnée à son idée. Elle lui dit "Ce qui est à toi est à moi", refusant de voir que sa fille a grandi et lui dit: "Tu m'appartiens", ce à quoi répond Hildegart "Je n'appartiens à personne". "Tu te comporte comme un homme, en pire"À partir de maintenant je déciderai moi seule de tout ce qui me concerne".
La mère ne era pas cette opposition. Elle sent sa fille, qu'elle domine et terrorrise, lui échapper.
Pour elle, le "projet" Hildegart a échoué.
Une génitrice plus qu'une mère, c'est certain.
La scène avant-finale est marquante et rappelle le précepte énoncé par la mère lors de la scène du bain.
La scène finale est particulière.
Une histoire monstrueuse et un film froid et austère. Je suis mitigée. Je ne connaissais pas cette histoire qui a défrayé la chronique en Espagne, en 1933. Au final je note le film seulement 8*, en raison tout de même de la mise en scène, des décors et de la prestation des deux actrices principales, Alba Planas dans le rôle d'Hildegart et Najwa Nimri dans le rôle d'Aurora, la mère.
Patrick Criado, dans le rôle d'Abel et Aixa Villagrán dans le rôle de Macarena sont très justes et apportent une touche de "chaleur" au film.
Vu en salle en vostfr.