Polar racinien

Corey, archétype du gangster melvillien, aussi imible qu’intrépide, sort de prison avec pour seule perspective un gros coup, un casse qu’esquisse l’un des matons. Sur sa route, qui lui fera prendre les bandes d’asphalte de la des 70’s, de Marseille à la capitale – suggérant à partir des paysages de la campagne française, ceux des grands espaces américains que Melville fantasme – Vogel, un malfrat en cavale après son évasion d’un train, saute dans le coffre de sa voiture sur l’aire de stationnement d’un restaurant bordant une route nationale, comme si les coups du sort, plutôt que de se faire attendre, étaient désirés dans le secret d'une force imperceptible.

Le cercle rouge, comme motif directeur du destin des personnages, s’imprime comme un rappel tragique de ce qu’il adviendra, au détour d’un billard et de ses balles blanches et rouge, prisonnières de la clôture de son tapis vert ; d’une assiette cerclait d'un filet écarlate que sert le commissaire Mattei à ses chats, qui sait l’art d’appâter ses trois petits félins, Fiorello, Grifollet et Ophrène, alter-ego de Corey, Vogel et Jansen, le dernier homme à redre le trio. Sans l'éluder, le récit tait le é des protagonistes autant qu'il restreint les relations à de menus échanges. Seule la fatalité du cercle rouge semble donner un sens à la réunion de ses hommes qui se concrétisera dans le silence du casse de la bijouterie, pour se conclure au lieu dit, au jour dit.

Le Cercle rouge se révèle aussi hypnotique et magnétique que peut l’être un Vertigo, distillant son mystère dès le défilement de son épigraphe, qui semble projeter le spectre de la fatalité plus encore que dans les précédents polars de Melville, élevant son œuvre au rang des plus nobles tragédies dans sa manière si pure de sceller le destin de ses héros. Le film semble cacher au spectateur ses secrets pour ne les révéler qu’à ceux qui, à partir des indices semés, se feront l’effort de les débusquer et de les réfléchir, à la manière de cette police qui se donne pour rôle de démasquer en nous le criminel qui sommeille. 

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le 17 mars 2025

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ptit_theodore

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