Forcément parmi les plus grand

On a tous un film dans notre enfance qui nous a fait découvrir la brutalité du monde et qui, de manière paradoxale, une fois l’âge adulte venu, nous raccroche à notre enfance. Dès lors, je suis toujours hésitant à re-regarder des œuvres que j’ai vues durant mon enfance. J’ai toujours l’appréhension que mon impression ne confirme pas le sentiment, et que je détruise involontairement ce lien particulier que j’avais à cette œuvre. Pourtant, Le Château dans le ciel, c’est différent. Ce souvenir lié à cette œuvre est si fort que je sais exactement où je me trouvais la première fois que je l’ai vue, mon âge exact, et même la période de l’année : c’était en été.

Premièrement, Le Château dans le ciel ne laisse rien au hasard, et dès les premières secondes, on comprend que ce que l’on s’apprête à découvrir est profondément différent. La musique, déjà. Cette musique s’ancre au plus profond de l’âme avec une facilité presque absurde. Chaque note prévient la seconde dans un rythme magistral, virevoltant. Une musique qui nous dit, dès les premiers instants, toute la gravité de ce qui va se dérouler ; une musique qui a sa place dans le patrimoine de l’humanité.

Ensuite, l’image. Miyazaki faisait de l’image un traitement que la technologie peine encore à singer correctement aujourd’hui. Chirurgicale, l’œuvre a près de 40 ans mais elle n’a pas vieilli — peu peuvent en dire autant (chez Disney, notamment).

L’histoire, enfin. Une très bonne œuvre se distingue par son histoire. Ici, elle se fait plus brutale à chaque minute, chaque terme est posé avec une grande précision. Les rires ne sont qu’une façade à la brutalité de l’environnement. Cette brutalité interroge, pour un film destiné aux enfants, mais elle nous fait réfléchir sur notre rapport à la violence et à la technologie débridée. La fin nous rapproche de Hans Jonas et du principe de responsabilité. Bref, vous l’aurez compris : Le Château dans le ciel, comme beaucoup d’œuvres du maître, est inclassable. C’est une œuvre. C’est surtout un chef-d’œuvre que même le temps ne semble pas pouvoir entacher.