Inspiré d’une histoire vécue publiée dans un magazine américain, Le faux coupable tient une place à part dans l’œuvre de Hitchcock par son caractère documentaire, son absence totale d’humour et la profonde émotion qu’il dégage. Le réalisateur a poussé le réalisme jusqu’à filmer de nombreuses séquences sur les lieux mêmes où se sont déroulés les événements qu’il relate, notamment dans le célèbre Storck Club ou dans le tribunal où s’est déroulé le procès. Après plusieurs films en Technicolor, Hitchcock revient au noir et blanc pour livrer une œuvre épurée, quasi bressonienne, sur un scénario linéaire qui évacue tout suspense pour se concentrer sur le calvaire que vivent ses deux personnages principaux. Avec La loi du silence, c’est le seul film où le réalisateur, catholique fervent comme la famille italienne de son malheureux héros, témoigne de ses préoccupations religieuses. Non sans ambiguïté d’ailleurs, puisque Manny Balestro et son épouse apparaissent beaucoup trop résignés, rongés par une culpabilité qui les enferme tout autant que la prison et la mécanique impitoyable d'un système judiciaire déshumanisé. Formellement, le film est d’une précision et d’une invention exceptionnelles, principalement dans la première partie, pur exercice de mise en scène qui nous fait ressentir de l’intérieur le chemin de croix du personnage, dans un univers à la fois réaliste et symbolique strié de grilles, de barreaux et de rayures de tous genres. Sans doute le film le plus personnel du maître et l’un de ses meilleurs.