László Nemes peut se vanter d'avoir fait plutôt fort avec son premier long-métrage: une récompense à Cannes avec le Grand Prix et l'Oscar du Meilleur Film Etranger quelques mois plus tard. Bref, le genre de prix qui auraient en réalité plutôt tendance à me faire fuir plutôt que de plonger dedans.
Le Fils de Saul, c'est l'histoire de Saul qui travaille comme sonderkommando dans le camp de Auschwitz. Après un gazage, il semble reconnaître son fils parmi les cadavres. Il va tout faire pour pouvoir lui offrir une sépulture décente et ne pas voir le corps de son fils finir brûlé.
L'histoire est avant tout un prétexte pour mettre en avant la souf des gens dans les camps de concentration, le rôle ingrat des sonderkommandos et surtout l'extermination de masse des Juifs. Je dois dire que sur le sujet, c'est certainement l'un des plus fidèles à la réalité qui a été donnée par les témoins qu'il m'a été donné de voir. Et je trouve en plus le travail de Nemes extrêmement réussi, parvenant à dévoiler tout cela sans jamais montrer de manière brute ou tomber dans le voyeurisme.
En effet, le camp est vu à travers Saul et c'est toujours celui-ci qui est mis en avant-plan. On le voit dans ces tâches. Autour, il n'y a que du flou. Les corps dans la chambre à gaz ? Flou. Les exterminations devant des fosses ? Flou aussi. Je trouve le procédé assez élaboré permettant donc d'avoir une idée, d'être perturbé face à ce que l'on voit sans jamais être choqué à outrance. Il n'y a pas non plus une volonté de sentimentalisme comme dans les films à l'américaine non plus. Bref, pour moi, c'est peut-être la façon de montrer les choses la plus juste qu'il y ait pu y avoir au cinéma. Le traitement est en tout cas particulier et particulièrement réussi. Je crois que les dix ou quinze premières minutes du film sont parmi les meilleures qu'il m'ait été données de voir depuis longtemps.
Entendons-nous aussi pour dire que si le contexte est extrêmement important pour Nemes, le personnage de Saul est loin d'être anecdotique. Je ressors à peine du livre écrit par Primo Levi et j'ai eu aussi l'occasion de lire un témoignage de sonderkommando. Je trouve que l'univers est bien dépeint. Au sein des Juifs eux-mêmes on cherchait à survivre uniquement, toute trace d'humanité semblait avoir disparue. Et le fait que Saul souhaite enterrer le garçon, c'est la trace que chez lui, cette humanité persiste. Que face à cette folie, il peut encore y avoir un geste humain et décent.
Peu importe si certains pensent que ce n'est pas son fils, le plus important est le symbolique derrière. Bref, Le Fils de Saul est pour moi l'un des meilleurs films sur l'extermination des Juifs par les Nazis. Un sujet puissant traité de manière adéquate, avec un léger coup de mou vers le milieu avant de se ressaisir bien vite. L'oeuvre vieillit en tout cas très bien dans ma tête.