Film lent, qui ne te montre jamais ce que tu t'attends à voir, qui développe une intrigue toute simple, sans que le propos soit évident : c'est génial.
Ca commence en force avec deux-trois scènes d'ouverture qui dure une dizaine de minutes où on ne te dit rien sur rien. Il y a un.e morte, on ne sait pas qui, ni pourquoi, ni comment, on voit un gars qui s'occupe d'accueillir les secours et qui a l'air d'attendre ça comme on attend son RER le matin, on le voit triste lors de l'enterrement, on ne sait toujours pas ce qu'il se e puis il y a l'orgue, et un chant sublime. C'est gratuit, ça n'apportera quasiment rien à l'histoire, c'est plus tard qu'on apprendra ce qu'il s'est é et d'ailleurs il ne s'est pas é grand chose, et c'est génial.
Parce qu'en démarrant de cette façon-là le réal met directement dans son rythme, son style, son ambiance. C'est très naturaliste, simple, calme, ça fait terriblement vrai et c'est à 1000 lieues de tous les clichés habituels. Qui actuellement fait des films en banlieue sans faire de films de banlieue ? Qui montre de la banlieue d'autres personnages que des jeunes, qui montre de la banlieue autre chose que les trafics de drogues, que les rapports avec la police ? Et qui aurait filmé ce qui pourrait être une histoire de braquage/enquête, de cette façon-là ? Il n'y a pas un moment de "plaisir facile" où on chercherait à stimuler le spectateur avec un rythme soutenu, de la violence un peu jouissive ou bien des scènes où les braqueurs vont profiter de leur thune.
Les choix que Rabah Ameur-Zaïmeche font sont très intrigants, toujours à contrepied (un gars en vise un autre au fusil, s'apprête à l'assassiner, l'assassine ; pas un plan sur le corps abattu), ils peuvent surprendre et dérouter. Comme cette scène de danse au bout d'1h30 de film où le (vilain ?) prince va se faire plaisir dans une petite boite banal et danser au milieu de parfaits inconnus, montant même sur la scène au côté du DJ sous une musique techno/orientale. C'est hyper envoûtant.
Le film peut laisser le spectateur sur le côté par tous ces choix étonnants, ce rythme, ce naturalisme. Mais c'est justement toute la force du dispositif : on (re)découvre que les gens comme nous valent la peine d'être suivis, regardés, filmés et que les choses simples sont belles. Même des membres de gang mènent des vies comparables aux nôtres, à trainer en bande de potes, nourrir les pigeons, rêver de petits plaisirs simples et se payer des coups au PMU. D'ailleurs c'est peut-être ça le sens de la scène de danse ; même le prince richissime capable de lancer une vendetta sanglante contre les personnages auxquels on a pu s'attacher, kiffe aller se défouler un peu dans une boite où chaque spectateur pourrait entrer et kiffer aussi.