Mon expérience du cinéma japonais est loin d'avoir été concluante, jusqu'à présent. C'est le pays qui produit les meilleures caméras au monde, mais on dirait qu'ils tournent toujours avec un caméscope VHS Telefunken d'il y a 30 ans.
À force de festivals, de persévérance et de curiosité malsaine, je me suis envoyé une tapée de films d'horreurs de ce pays, qui recyclent ad nauseam les trois mêmes clichés fatigués et estiment qu'il suffit de montrer de longs cheveux noirs pour terrifier son audience. C'est souvent filmé avec les genoux par un tétraplégique, avec des acteurs qui surjouent en permanence, écrit pour une audience qui regardera le film d'un œil avec un téléphone dans chaque main et a besoin de flashbacks réguliers pour réussir à suivre.
Je n'attendais donc pas grand-chose de ce Joueur de Go, mais c'était l'excuse idéale pour apprendre les règles de ce base d'un jeu qui me faisait de l'oeil depuis bien longtemps, et la promesse d'un film d'époque avec des ronins crasseux et de dramatiques dilemmes d'honneur a aiguisé mon intérêt.
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Comme prévu, le film est tourné avec un Caméscope VHS qui crame les blancs, et affiche des effets de mise en scène que je qualifierai poliment d'osés. On a ainsi droit à des flashbacks qui clignotent et de vous détruisent les yeux avec des flashs blancs, des caméras qui se désaxent au moment d'une révélation, des zooms dramatiques, et autres audaces plus ou moins maîtrisées. Ça m'a souvent amusé au point de me sortir un peu du film, mais j'ai fini par trouver ça attachant.
Les scènes d'action... existent, et ont le mérite de ne ressembler à rien que je connaissais : On n'y croit pas deux minutes, un mec se fait encercler par 15 adversaires qui l'attaquent à tour de rôle comme dans Assassin's Creed, et c'est tellement mal filmé que j'avais du mal à savoir qui se battait contre qui.
En revanche, l'écriture est étonnamment solide. Je précise qu'il ne faut pas être réfractaire à la mentalité du Japon féodal où tout le monde cherche une excuse pour se faire Seppuku parce qu'on ne les a pas convenable salué à l'épicerie du coin et que leur honneur est souillé au-delà de toute rédemption. Si vous acceptez que la noblesse d'âme implique une obsession pour le suicide, sur la base d'un code d'honneur rigide et intransigeant, que seule une partie de la population semble s'infliger, tandis que les autres essayent juste de survivre.
Au-delà de ça, on a une galerie de personnages intrigants, touchants et bien interprétés. Tous sont plus profonds que ce qu'ils dévoilent initialement, et tous ont droit à des arcs de transformation imbriqués les uns dans les autres, qui les rendent d'autant plus crédibles. Le jeu de Go sert plus de toile de fond et de métaphore qu'autre chose, et il suffit donc d'en connaitre les rudiments pour comprendre ce qui se joue à l'écran, mais ce n'est pas le coeur du film.
C'est donc une très bonne surprise, que je ne me vois pas trop recommander, notamment à cause de son emballage approximatif, mais que j'ai suivi avec plaisir, et dont l'écriture n'a cessé de me surprendre. Je ne m'attendais clairement pas à être aussi investi dans des déambulations de rônins crasseux et des parties de Go.