Par quoi commencer ? Ce film est quasiment parfait.
Bon, allez, si, histoire d'être parfaitement honnête et pondérée, je dirais que le début est assez bavard, l'action met un peu de temps à démarrer, mais une fois qu'elle est lancée, on ne peut que reconnaître l'immense talent de ces deux monstres du 7ème art (Laurence Olivier et Michael Caine), ainsi que du grand Joseph Mankiewicz.
De quoi est-il donc question dans ce Sleuth ?
Andrew Wyke invite Milo Tindle, l'amant de sa femme Marguerite, dans son château. Sir Wyke (Laurence Olivier) est un écrivain de polars, un homme élégant et flegmatique pour qui la vie semble un jeu sans fin, comme en témoignent les multiples automates de toutes sortes qui peuplent sa demeure. Milo Tindle (Michael Caine) est un homme parvenu mais distingué et plein d'esprit : la rivalité de classe sociale se fait rapidement sentir entre les deux hommes, en plus de la rivalité amoureuse.
Andrew propose à Milo de mettre en scène une arnaque à l'assurance : ce dernier devra entrer par effraction (et déguisé) chez lui et dérober les précieux bijoux de madame qu'il revendra ensuite pour la coquette somme de 170 000£. Wyke, de son côté, touchera le butin de l'assurance. Mais l'écrivain semble bien vite confondre la fiction qu'il élabore dans son esprit avec l'application pratique de ce projet. Bien vite, on est plongés dans le jeu, un jeu qui va dégénérer, inverser les rapports de force, faire tomber les masques, nous surprendre, nous perdre pour finalement nous époustoufler.
Les acteurs sont absolument grandioses d'élégance british, d'esprit, de vivacité, d'intelligence, et nous proposent un huis-clos autour du principe du jeu, une pièce de théâtre à deux voix où rien n'est jamais certain : qui joue ? Qui cache son jeu ? Qui se déguise ? Qui sera le dernier à abattre ses cartes ? Qui croire ?
Même si le ton du Limier peut se faire léger, burlesque, drôle, toute la subtilité du film est de nous laisser voir que tout masque rieur possède sa face d'ombre...Ce n'est pas un hasard si le film démarre en plein jour - dans un labyrinthe, comme pour préfigurer le puzzle intellectuel qui va se jouer au sein du duo - pour se fermer sur l'obscurité de la nuit. La fin est particulièrement noire, grinçante, angoissante, et contraste diablement avec le versant comique de ce film gigantesque.
Une oeuvre à mon avis inépuisable, à voir et à revoir : un vrai, grand, intense moment de cinéma.