C'est officiel : j'adore Polanski ! J'ai mis un peu de temps à m'en rendre compte (peut-être parce que je n'ai pas forcément commencé par ses meilleurs films pour le découvrir) mais cette pépite m'a montré à quel point ce type est génial. C'est toujours dur de parler avec justesse d'un film comme celui-ci. Mais commençons déjà par ce qui m'a semblé le plus frappant d'entrée de jeu : sa manière de filmer Paris. On est bien loin du portrait carte postale fantasmé par les touristes étrangers (potentiels ou non). Ici, il filme un Paris grisâtre, sale (dans tous les sens que peut revêtir ce terme), austère et à la population peu accueillante, menaçante, voir hostile (j'y reviendrai par la suite). Que ce soit au sein de l'appartement, au sein de la micro-société de l'immeuble ou à l'extérieur, dans les rue parisiennes. Autrement dit, c'est le vrai Paris qui est donc dépeint ici, tel qu'il est, sous un portrait peu flatteur (et à juste titre). Je repense à ce plan, en apparence anecdotique, où on voit le personnage de Polanski marcher dans un plan large avec, dans ce même plan, à droite la Tour Eiffel et à gauche une bande de nécessiteux, le tout baignant dans une photographie grisâtre au possible. Ou comment assimiler, l'air de rien, l'un des éléments phare du prestige de cette ville (et donc, par extension, la ville elle-même) à un aspect beaucoup moins reluisant, l'idée étant de montrer tout ce que cette ville peut avoir de plus laid (le film, de ce côté, m'a un peu fait pensé à Frantic que Polanski réalisera quelques années plus tard et dans lequel la ville sera un personnage à part entière, un univers tout autant menaçant et hostile pour l'étranger qu'est Harrison Ford que pour celui qu'est Polanski dans Le Locataire).
Je crois que c'est l'élément central du film : mettre en scène, insidieusement, la laideur insidieuse d'une société via son refus à intégrer tout ce qui sors du conformisme mis en place. Une laideur oppressante, de tous les plans, dépeinte dans une ambiance malsaine et sournoisement perverse, sublimée par la musique entêtante de Philippe Sarde, qui contaminera très progressivement l'esprit du protagoniste, jusqu'à la paranoïa (grandissante), puis la folie. Le traitement en est absolument stupéfiant de maîtrise grâce à un rythme d'une lenteur suprême, qui peut rebuter au début mais qui permet de distiller, avec une finesse absolument sidérante, un suspense implacable grâce à l'enchaînement d'incidents et de micro-événements qui, mis bout à bout, donnent au film tout son caractère menaçant et opprimant : des voisins austères, mystérieusement angoissants, nullement chaleureux, faussement aimables, pointilleux sur l'ordre mis en place et exigeants quant à sa mise en application, faisant preuve d'une bassesse caricaturale, rendent subtilement inquiétant, au sein du cadre ou hors-champ, cet immeuble parisien, reflet d'une société condamnant, par son essence, toute tentative d'intégration et d'épanouissement. La folie auto-destructrice devient, fatalement, l'issue finale au cours d'une dernière partie qui multiplie les images, les plans et les scènes de délires hallucinatoires paranoïdes cauchemardesques, alors que le personnage de Polanski (qui montre des talents d'acteurs que je n'avais jamais soupçonnés) devient réfractaire et étranger à une société qui n'inspire que de la méfiance. Brillant.