Lettre à La Biche

Mon très cher Monsieur Biche,

Cela fait maintenant un p'tit moment que l'on se connaît, toi et moi, qu'on s'fréquente presque, par procuration. Ton goût prononcé pour le cinéma, disons, douteux, n'est plus à prouver, aussi, quelle ne fût pas ma circonspection pour ne pas dire ma défiance face à ce 7/10 et ce titre racoleur dont tu es un fervent amateur. C'est donc le regard hautain et l'âme condescendante que je me lance dans le visionnage, et oh surprise ! C'est extrêmement mauvais, et ce pour plusieurs raisons.

La première, par essence : comment un film pourrait-il être bon alors qu'il fait suite à un chef-d'oeuvre somme toute assez peu contesté ? Le film ne peut qu'au mieux n'être pas trop mauvais, mais il ne peut échapper à la comparaison avec son aîné. Mais ce serait sombrer dans la facilité que de s'arrêter à cela. Allons plus loin.

La deuxième raison est technique : l'animation n'est pas catastrophique, mais elle est franchement mauvaise, le rendu visuel est en tout cas sale, pour ne pas dire plus. Toujours pour ne pas comparer à son aîné, prenons la comparaison sur un Disney sorti la même année : Mulan. Pour ce dernier, l'image est véritablement travaillée, recherchée, simplement belle (on pense bien sûr à la charge des Huns dans la montagne). Pour le coup, la suite du Roi Lion ne tient pas du tout la comparaison, même en-dehors de son prédécesseur.

La troisième raison, ma Biche, est scénaristique : on reprend le succès précédent, on le copie grossièrement, et hop ! Sortez du four, à consommer rapidement tant que c'est chaud. Sauf que le plat refroidi tellement vite que le goût de réchauffé reste en bouche comme une vieille part de pizza d'un surlendemain de pendaison de crémaillère. Certaines scènes sont même carrément plagiées de manière éhontée, comme la chanson de Scar, Soyez Prêtes, devenu un pâle ersatz avec la chanson de Zira.

Ce qui me permet d'enchaîner sans transition sur la quatrième raison, qui est musicale celle-ci. Les chansons d'un film Disney, c'est ce qui assure une part de son succès. Ici, chacune est moins rythmée, moins rimée, moins profonde que la précédente. Tout cela sans parler du thème musical proche de Pirate des Caraïbes qui produit un effet de décalage étrange, mais finalement peu important par rapport aux autres, notamment les carences du doublage (la voix de ta très chère Kiara, profondément inable quand elle chante, n'est rien à côté du doublage français de Zira, le même que pour Yzma dans Kuzco, dont la nasillardise l'emporte sur la puissance suraiguë).

De ce qui fait un Disney, il ne reste pas grand chose : pas véritablement de méchant (ni à la hauteur de Scar ou de Shan Yu), pas de chanson potable, une image hésitante (quand un lion court, il n'a que deux mouvements, tendu et plié, donnant un rendu saccadé du pire effet), un pitch paresseux. Comprends-moi bien, ma Biche, j'essaie de le sauvé ton film, mais je n'y arrive pas, et l'excuse n'est pas à trouvé dans le regard d'enfant que je n'ai pas eu sur ce film, ou le fait que je sois un vieux con, il n'y a pas d'excuse, il n'a pas d'excuse : ce film est mau-vais, en somme comme une suite Disney. C'est aussi pour cela que ce n'est presque pas de sa faute qu'il soit mauvais : il y était destiné, contrairement à son aîné, contrairement à Mulan qui est plutôt bon. Mais j't'aime bien quand même hein !
Allez, sans rancune aucune, Monsieur Biche, c'est avec tout l'amour par procuration dont je puis disposer que je termine cette lettre qui n'en est pas vraiment une.

Bisou bisou,

Ton p'tit Claude, qui sera toujours ton Frollo pour juger de tes goûts originaux.