Toute la Terre du Milieu connaît la légende de la Guerre de l’Anneau. Mais, deux cents ans plus tôt, naquit une autre légende.
Le silence des tambours de guerre
Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim, réalisé par Kenji Kamiyama, est un film que j’attendais avec un mélange d'espoir, d'euphorie et de prudence. Fan assumé de l’univers de Tolkien, j’étais prêt à accueillir cette nouvelle proposition comme un souffle d’air neuf. Une tentative audacieuse de renouer avec une mythologie que beaucoup ont tenté de capturer sans jamais vraiment l’égaler. Et sur le papier, une animation centrée sur l’histoire d’Héra et de Helm Mainmarteau, loin des figures habituelles, pouvait justement offrir cette respiration. Une perspective inattendue mais riche, qui manquait tant à la série Les Anneaux de Pouvoir. Hélas, ce fut surtout un grand soupir. Le genre de soupir qu’on pousse quand on sent que le rendez-vous a été manqué. La première déception est sans doute la plus cruelle est « l’absence totale d’ambition ». Je pourrais même dire qu’il s’agit d’un projet qui donne l'impression de s’exc d’exister, tant il se montre frileux dans tous les domaines où il aurait pu briller. Le fait même qu’il s’agisse d’un film animé ouvrait la porte à toutes les audaces visuelles possibles. On pouvait espérer des batailles inouïes avec des compositions de plans surréels, à une énergie de narration délestée des contraintes du réel. Mais non. Kamiyama préfère tout contenir, tout restreindre, comme si son plus grand ennemi était l’envol. Et je ne parle pas seulement de l'envol de l’Aigle géant dont l’apparition tardive dans la bataille résume tristement cette frustration : « prometteur, puis inutile ».
Car s’il y a bien un élément qui aurait pu symboliser l’élévation par un souffle mythique annonçant le surgissement du merveilleux dans un monde bien austère, après une première partie de récit qui pourtant semblait partir d'un bon pied, c’était bien l'Aigle géant. Dès sa première apparition, en surplomb, planant au-dessus de la cavalière esseulée essayant de le dompter, on entrevoit la promesse d’un lien secret et mystique entre Héra et cette créature ancestrale. Comme si les puissances du monde ancien n’avaient pas totalement déserté les terres des Hommes. On y croit. On espère. Et lorsqu’il apparaît à la fin, lors de la bataille finale, on se dit qu’enfin s’ouvre une porte vers quelque chose de plus grand que les simples rivalités humaines jusqu’à présent démontrées et qui va enfin enflammer le tout. Car c’est ça, après tout, la force du Seigneur des Anneaux, lorsque l’intime croise le légendaire. Mais non. L’aigle s’efface, ou plutôt, il est relégué au rang de figurant glorieux ant au dessus du combat, et puis rien. Aucune interaction, aucune incidence sur le récit, aucun renversement de situation. On se demande même pourquoi les scénaristes ont tenu à le faire revenir, sinon pour cocher une case "référence à Tolkien" ou tenter maladroitement de susciter une émotion facile. Ce traitement symbolise, à lui seul, l’un des grands problèmes du film, à savoir des idées en apparence prometteuses, mais jamais poussées ni exploitées. Des pistes esquissées, puis abandonnées sans explication. L’aigle n’est pas seulement inutile, il est symptomatique d’un récit qui se refuse à embrasser la dimension mythologique à laquelle il prétend appartenir. C’est une silhouette majestueuse dans un ciel bien trop fade.
Héra, fille de Helm, moi, Wulf, suis venu demander ta main.
Le scénario, écrit pourtant à plusieurs mains avec des noms comme Jeffrey Addiss, Will Matthews, Phoebe Gittins et Arty Papageorgiou, donne pourtant l’impression que personne n’a vraiment pris la tête du navire. Quatre noms crédités pour une trame qui manque autant de tension que de souffle. Pourtant, en mettant en avant une histoire située 183 ans avant le Seigneur des Anneaux on aurait pu en attendre plus, comme de tout le reste. Le paradoxe est là ! L’histoire est cohérente, mais elle ne provoque rien. Pas de frisson, pas d’attente, pas d’émerveillement. Le lien entre Héra et Wulf est esquissé comme une rivalité possiblement complexe, dont une histoire d'amour en parallèle peu accrocheuse, mais tout cela est balayé par une écriture fonctionnelle, sans relief ni émotion durable. Du coup, on en vient à se ficher du sort d'Héra, ce qui est bien triste. On a parfois l’impression que le seul axe de développement proposé pour Héra tourne autour du fait qu’on souhaite la marier, alors qu’elle s’y oppose. Comme si son refus de se conformer à ce rôle prédéfini constituait à lui seul toute la richesse de son personnage. Et au fond je ne peux m’empêcher de me demander si cette insistance ne répond pas à une logique de représentativité un peu forcée, plutôt qu’à un réel souci d’écriture ou de cohérence narrative. Helm Mainmarteau, se montre finalement comme étant le personnage le plus intéressant, et ses deux fils Háma et Haleth, comme les plus prometteur du récit, seulement… Quant à Wulf lui-même, il peine à s’imposer au-delà d’un rôle d’antagoniste lambda, quand on espérait au moins un souffle de noirceur à la hauteur des grandes menaces de l’univers de Tolkien. Et c’est bien là le cœur du problème ! Je ne reconnaîs pas la Terre du Milieu. Je crois davantage assister à une histoire de vikings ou de seigneurs féodaux vaguement inspirée, saupoudrée ici et là de noms familiers et de quelques références pour maintenir l’illusion.
Pourtant, l’univers du Seigneur des Anneaux n’est pas qu’une collection de noms ou de lieux, c’est une mythologie cohérente, émotionnelle et symbolique, où chaque acte, chaque mot, chaque bataille doit résonner avec quelque chose de plus vaste. Ici, rien ne résonne, ou si peu. L’écho semble s’être perdu dans les couloirs de la production. Côté réalisation, on sent un certain amour de l’animation traditionnelle, et certains ages sont visuellement plaisants avec un style graphique à mi-chemin entre dessin et image de synthèse qui fonctionne plutôt bien, du moins dans ses intentions. Mais encore une fois, le souffle manque. Les scènes d’action sont mollassonnes, pire, souvent brouillonnes, et surtout sans imagination. Le gouffre de Helm n’est qu’une silhouette parmi d’autres, loin de l’aura emblématique qu’il devrait incarner. Quant aux confrontations, elles sont d’une platitude désarmante. On assiste au combat, mais jamais on ne ressent de l'épique. Même la musique de Stephen Gallagher, plutôt réussie par ailleurs, semble se battre seule pour relever l’ensemble. Ce qui m’attriste le plus, c’est de voir à quel point cette tentative e à côté d’un potentiel immense. On aurait pu… non !… on aurait dû ! ...sentir une volonté de faire honneur à cet héritage. De prolonger la grandeur sans forcément l’imiter. Au lieu de cela, on assiste à un entre-deux, pas totalement honteux, mais si modeste qu’il en devient terriblement anecdotique. L'illusion d'un rêve devenu au bout de deux heures plus que tiède, laissant un goût amer de ce que le film aurait pu être. Et cette tiédeur, dans un monde comme celui de Tolkien, c’est peut-être le plus grand des problèmes de cette proposition.
CONCLUSION :
Finalement, que reste-t-il du Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim ? La crainte qu’un tel échec, que ce soit au box office ou sur la critique, dont le constat global du film lui-même qui se pose sans ambition ni vision, vienne refroidir toute tentative future d’explorer cet univers en animation. Parce que ce n’est pas tant la forme qui a déçu que l’usage qu’on en a fait. Et ça, c’est infiniment frustrant. C'est pourquoi, j'en veux terriblement à Kenji Kamiyama, mais aussi et surtout aux studios de production New Line Cinema, Warner Bros. Animation et Sola Entertainment, qui ont tout jeter à la poubelle.
Un film pas complètement raté, mais surtout inutile, qui sonne comme une petite trahison.
Ma fierté, ma joie, tu pourrais gouverner le monde.