La cinéaste française Katell Quillévéré signe un mélodrame à l’ancienne assez poignant qui vaut surtout pour sa capacité à montrer l’évolution d’un couple sur plus de vingt ans et comment un drame originel conditionne une vie et les relations humaines.
1947. Sur une plage, Madeleine, serveuse dans un hôtel-restaurant, mère d’un petit garçon, fait la connaissance de François, étudiant riche et cultivé. Entre eux, c’est comme une évidence. La providence. Si l’on sait ce qu’elle veut laisser derrière elle en suivant ce jeune homme, on découvre avec le temps ce que François tente de fuir en mêlant le destin de Madeleine au sien.
L’ouverture du film est assez trompeuse. Il s’ouvre sur des images d’archive en noir et blanc montrant ces femmes tondues à la libération pour avoir couché avec des Allemands. C’est très fort, très violent et pourtant le film ne sera pas ça. Ce ne sera pas un cours sur l’histoire de de 1945 au milieu des années 60. Non, ce qui intéresse Katell Quillévéré, c’est l’évolution sur plusieurs années d’un couple atypique.
Couple atypique car elle est une mère célibataire, dont le fils est de surcroît issu d’une relation avec un officier allemand pendant la seconde guerre mondiale et lui est un homosexuel qui fait une union de convenance. Elle est d’origine modeste, il est d’un milieu bourgeois mais ont en commun d’être en rupture avec leur famille. Pour elle, forcée. Pour lui, par choix. Quillévéré dissèque ce lien de couple. A quoi tient-il ? Comme le disent les deux époux, il s’agit d’une couverture pour l’un comme pour l’autre. Grâce à leur affection mutuelle, mais peut-être aussi grâce à l’orgueil qu’ils ont de montrer à la société que leur couple hors des normes peut subsister envers et contre tout.
Le film suit donc ce couple et le voit se réinventer, se reconstruire après chaque embûche. Katell Quillévéré rend très bien compte d’un élément important d’un couple : comment l’ascendant d’un couple change avec le temps. C’est d’abord elle le moteur du couple, celle qui le tient quand son mari est plus bas que terre. Au contraire, dans les années soixante, elle se retrouve reléguée au foyer quand son mari prend un poste important d’enseignant.
L’autre qualité du film est de savoir montrer l’évolution du temps. Il ne s’agit pas uniquement de changements de coiffure, ou de cheveux blancs qui apparaissent. Il s’agit davantage de montrer comment l’époque évolue sans pour autant que ce soit le sujet du film. A part l’ouverture du film, le changement d’époque n’est jamais asséné mais plutôt évoqué par les dialogues ou par les situations (l’embourgeoisement dans les années 60, la guerre d’Algérie).
L’Histoire joue tout de même un rôle dans le film. Le drame originel semble impacter à vie, caractériser la mère et sa relation avec son fils. Pas toujours aimante, souvent très dure, leur relation semble abimée par ce é.
On pourra cependant reprochée deux fautes de goût à la cinéaste. Tout d’abord un plan à trois avec G.I. américain, une scène un peu lourdingue pour souligner l’ambivalence d’un mari, partagé entre son désir homosexuel et son affection pour sa femme. Et puis deux plans du film mis en parallèle où elle se regarde chauve dans un miroir. La première fois après avoir été tondue à la libération, la deuxième fois à cause d’une chimio.
Anaïs Demoustier est parfaite comme d’habitude et porte le film. Vincent Lacoste est comme souvent inégal mais sa performance s’améliore plus le film avance et se révèle même assez poignante vers la fin du film.