On a parfois cette curieuse impression d'assister à un téléfilm de piètre qualité tout en étant plongé dans une salle obscure en visionnant un grand écran. Le torrent fait partie de ces films qui vous font ressentir ce désagréable sentiment. Un film bâtit pour combler une soirée cinéma sur TF1 dont les programmateurs télé se délecteront. L'actrice et réalisatrice Anne Le Ny n'en est pas à son coup d'essai, mais on a le pressentiment qu'elle peut encore essayer longtemps ce genre de cinéma sans jamais percer ce mur délicat et subtil qui donne goût et ion aux spectateurs. Son sixième long métrage derrière la caméra s'apparente à un mélange maladroit d'un thriller policier et d'un drame psychologique familial. Entourée par José Garcia, André Dussollier et la jeune Capucine Valmary - révélée dans le très bon L'heure de la sortie - Anne Le Ny a une écriture grossière des dialogues et des personnages.
Dès la première scène de rencontre entre Capucine Valmary et sa meilleure amie, le dialogue sonne faux. Le personnage interprété par Anne Le Ny, la commissaire chargée de l'enquête, est un croisement entre une mentaliste et Madame Irma puisqu'elle devine tout au détour de conversations officieuses qui ne laissaient rien transparaître. On a vu plus convaincant comme enquêteur dans l'histoire des films policiers, notamment lorsque ce dernier se montre faillible et en proie au doute, comme tout être humain normalement constitué. On a vu également plus pragmatique comme scénario, particulièrement dans des thrillers qui nous prouvent que l'on doit souvent accepter la fatalité de l'absence de dénouement à l'intrigue à l'instar de Memories of murder, réfèrence incontestée du genre.
La réalisatrice semble vouloir ménager les désidératas du grand public avec un dénouement sans débordements et sans saveurs. C'est pourquoi, tout le long du film on attend en vain que quelque chose vienne bousculer le ruissellement plat du scénario. En vain, puisqu'on sent venir cette happy end malaisante et irrationnelle. On ne peut que remarquer les efforts pour essayer de fournir un contenu visuel qualitatif et un prestige au niveau du casting, mais ça reste terne et plat. Calme blanc sur les rives de nos émotions. Pas de surprise au point où à la sortie de la salle on pense bizarrement avoir assisté à un film qui ne raconte pas grand chose, juste un accident circonstancié, ainsi que l'histoire de la pesanteur de la culpabilité et un simulacre d'histoire d'amour père-fille. Finalement, le torrent peut rester dans son lit car en 1h40, de l'eau a coulé sous les ponts pour rien.