Le troisième homme n'a pas volé son rang de classique du film noir. Déjà par la beauté de ses plans, souvent déformés, comme si le sujet les gangrenait déjà alors qu'on en cherchait encore la clé. Et puis la présence d'Orson Welles, et j'utilise présence dans le sens fort. On l'attend longtemps, mais ça en vaut la peine! Ou encore les scènes de poursuite, dans les égouts, ou dans les rues de Vienne la nuit, plans d'hommes en fuite dans une lumière fuligineuse, réminiscence de l'expressionnisme allemand. Le dosage entre tension, humour, suspens. Tout concourt à faire de ce Troisième homme une réussite.
Le scénario est de Graham Greene, qui affectait de dédaigner Hollywood mais ne refusait pas sa part du gâteau. A noter qu'il a trempé lui-même dans l'espionnage. Ses histoires mettent en scène des personnages embarqués dans une histoire qui les dée. Ce film ne fait pas exception, avec son auteur de westerns bas de gamme, fan de Zane Grey, qui se lance dans une enquête sur le meurtre d'un de ses amis. S'il déclenche bien quelque chose, c'est presque à son corps défendant.
Le cadre, c'est la Vienne d'après guerre, une cité dont le cosmopolitisme artistique est devenu une occupation du sol par des forces différentes. Et là, le fait que le film n'a pas été tourné en studio fait la différence.
Un mot de la musique, devenue tellement célèbre que j'ignorais complètement qu'elle avait été composée pour le film. Les son aigrelets de la cithare composent un contre-emploi manifeste, mais leur tonalité obsédante renforce singulièrement les images.
Se pose dans le film la question de l'amitié et de la délation : jusqu'où peut-on soutenir un ami lorsque les actes de celui-ci s'avèrent monstrueux? Dans un contexte d'après-guerre où la délation était de rigueur, vue à la fois comme le moyen d'une purge nécessaire et comme un moyen mesquin de se venger, la question s'avère pertinente.