Écrit le 18 décembre 2014:
Il aura fallu 25 ans pour qu'enfin je puisse voir l'ultime film de Jacques Becker, réalisateur des non moins célèbres et très réussis "Goupi Mains Rouges", "Casque d'or", "Touchez pas au grisbi", et dont l’œuvre cinématographique est l'une des plus accomplies du cinéma français.
Précédé par sa réputation de joyaux du cinéma mondial, l'impatience fébrile liée à l'attente se disputait à la peur de la franche déception. C'est ainsi, qu'hier soir, au grès de mes pérégrinations sur la page "nouveautés" d'un site de VOD à la demande payante et gratuite, je suis tombé sur les deux versions du film: celle exploitée en salle et la version longue (final cut). Mon choix ne s'est pas fait attendre. Ce fût "Le Trou". Bien sûr, la seconde version à eu ma préférence.
Pas simple d'écrire, après avoir lu nombres de critiques de journalistes et/ou de cinéphiles, qui ont su de façon lumineuse, trouver les mots justes pour retranscrire l'âme du film. Je vais, donc, tenter de le faire simplement. Parler de mes émotions à chaud.
Dès les premières images, on sait d'emblée que le film ne misera pas sur le spectaculaire et les effets de mise en scène. C'est une histoire vraie, comme le rappel José Giovanni, au début du film, la sienne.
Jacques Becker filme en plans fixes et en plans séquences et nous plonge directement dans la réalité quotidienne de la vie d'une prison et de 4 co-détenus, flanqués d'un nouvel arrivant, sans cellule.
La mise en scène est aussi âpre et austère que l'atmosphère carcérale. Cela peut rebuter, d'autant plus que Becker n'utilise absolument pas de musique pour souligner l'action ou l'émotion. Naturalisme pur ou œuvre quasi-documentaire, certainement les deux à la fois. Cela permet au spectateur de concentrer son attention sur l'histoire de ces 5 détenus incarnés par Marc Michel, Philippe Leroy-Beaulieu, Raymond Meunier, Jean Kéraudy et Michel Constantin.
Interprètes tous quasi débutants, donc non "pollués" par les tics de jeux d'acteurs accomplis et reconnus. Cela permet de saisir directement leur spontanéité et la vérité qui ressort de leur jeu, aussi très physique et pour cause...
Suite de la critique, le 05 mai 2015:
pourquoi avoir laissé cette critique inachevé dans la page brouillon pendant 6 mois ?
Trop de choses à dire. Tout se bousculait et se mélangeait dans ma tête. Le tour de force de Jacques Becker m'a laissé pantois. Son film regorge de détails sur la vie carcérale, les rapports de solidarité entre les détenus, les rapports avec les gardiens et matons. Sa caméra scrute cliniquement ce qui se prépare et on se surprend à être suspendu, l'émotion haletante, pendant la très longue séquence du perçage du "trou" dans la cellule. A partir de cet instant, il réussit à nous embarquer dans la quête des 5 co-détenus. On ne les juge pas. On souhaite simplement qu'ils réussissent leur entreprise. D'ailleurs, on sait peu de choses de leurs forfaits criminels. Juste ce qu'il faut en savoir, pour ne pas nous couper de l'empathie que l'on a avec eux. Souhaitable également pour les personnages eux-mêmes, qui ne souhaitent pas forcément en savoir plus sur les uns et les autres. Sauf pour le "nouveau", Marc Michel, personnage pivot du film, qui se voit intégrer et embarquer dans l'aventure, non sans quelques réserves de Philippe Leroy-Beaulieu.
Jacques Becker fait d'une minutieuse préparation d'évasion un vrai suspense haletant, en ne s'appuyant, avec réalisme et minutie, que sur les détails et les rouages de la préparation. Il joue habilement avec nos nerfs tout en nous donnant l'assurance quasi-sûr de la réussite de ce qu'ils projettent tous.
Puis intervient la dernière partie du film, inattendue, qui vous clouent sur votre fauteuil. Sans faire dans le "spoiler", je crois qu'en matière de twist, on est dans le très haut niveau.
"Le trou" est une leçon de mise en scène du début jusqu'à la fin, une leçon de maîtrise dans l'écriture scénaristique unique, où l'on ne s'attend pas à ce qu'il va se er d'une seconde à l'autre (l'angoisse et le risque d'une telle entreprise) et également une réussite totale dans la direction d'acteurs non professionnels. Où comment faire d'un film avec peu de moyens et volontairement austère (peu de dialogues, pas de musique) un des plus grands chef d’œuvre du cinéma mondial.
D'ailleurs jusqu'à quel point Jean-Pierre Melville, ne sait-il pas inspiré de la dernière œuvre de Jacques Becker pour sa série de chef d’œuvres ? Tant il existe des filiations dans leur façon de mettre en scène (cf "Le Doulos", "Le Deuxième souffle", "L'Armée des ombres" et "Le Cercle rouge"): austérité, épure, écriture au cordeau, sens du détail, dialogues qui vont à l'essentiel, etc. La liste est longue.
Vous l'aurez compris tout amoureux du cinéma doit avoir vu ce film référence. Une pépite.Texte en gras