On pourrait, avec un regard un peu réducteur, considérer Les Indomptés comme une version modernisée des mélodrames à l’ancienne. Adapté d’un roman paru en 2020 (sobrement intitulé en français « Et nous nous enfuirons sur des chevaux ardents »), le récit, étalé sur plusieurs années et de nombreuses villes de l’Amérique des années 50, joue cette traditionnelle mélodie d’une americana où l’on chante autant les promesses des Trente Glorieuses que la mélancolie des cœurs brisés.
Le classicisme assumé se construit dans une image léchée, une reconstitution soignée et la partition impeccable de comédiens au sommet de leur glamour. Jacob Elordi, qui confirme son aisance dans un tel registre après Oh, Canada de Paul Schrader, et Daisy Edgar-Jones, elle aussi parfaitement convaincante dans un portrait d’une époque qui offre une variation à celle qu’elle composait dans Normal People.
On savoure donc le film comme un fier représentant de son genre, flirtant régulièrement avec les envolées d’un Douglas Sirk ou les variations offertes par Todd Haynes dans Loin du Paradis. Les promesses de l’après-guerre se limitent à un lotissement sorti de terre dans lequel on est rapidement encerclé par une norme étouffante, contraignant les personnages à trimer, et, pour atteindre leur rêve, jouer, parier, jouer gros pour se sentir exister, au risque de tout perdre. Des champs de courses au poker, de la triche aux infidélités, le récit explore des cœurs en quête d’absolu, tout en contemplant avec une distance mêlée de sagesse et d’empathie ces excès d’une jeunesse éphémère.
La réactualisation des motifs e principalement par la thématique homosexuelle, qui va largement complexifier ce qui semblait au départ annoncer un banal triangle amoureux. Mais loin de se limiter à un gratuite mise à jour des enjeux, cette complexité rend plus trouble les liens entre la jeune épouse et ce beau-frère, fugueur invétéré incapable de jouer le jeu de la sédentarité. L’intelligence du récit se situe ainsi dans une autre distance, celle des destinées, le personnage joué par Elordi accumulant les aventures et les prises de risque, tandis que celui de sa belle sœur en offre une variation beaucoup plus policée, au sein de la carte postale de l’Amérique des 50’s. Une façon, en somme, de ménager la surprise continue et la possibilité pour chaque individu de trouver, sur la ligne d’horizon ou chez la voisine, aux confins de Tijuana ou derrière le miroir de la chambre à coucher, les échappées quelques fragments d’idéal.