Les Musiciens
6.4
Les Musiciens

Film de Grégory Magne (2025)

En représentation

Valérie Donzelli est très jolie, d'une beauté peu banale, et joue très juste ; Frédéric Pierrot, tel qu'on le connaît depuis En thérapie, oscille entre froncements de sourcils et air pénétré, inquiet, et parfois, mais bien peu, jovial. Quant aux quatre acteurs, que je découvre, qui jouent les membres du quatuor — les "musiciens" du titre —, difficile d'en trouver un qui dépare l'ensemble, ils sont très complémentaires et leur performance fait écho à celle que constitue, dans le film, la préparation d'une représentation, cela fait beaucoup de "tions" mais bon, d'une œuvre du Charly Beaumont qu'incarne le susdit Frédéric Pierrot.

Le prétexte est celui de réunir quatre Stravidarius qui n'ont jamais joué ensemble sur scène, selon la volonté d'un défunt, le père du personnage de Valérie Donzelli ; une tâche confiée à des virtuoses quelque peu encombrés par un ego qu'il sera question, tout au long du film, de raboter, pour permettre de mener à bien un projet collectif.

Si l'on me e ce prélude ampoulé, je poserai la question essentielle, qui est de savoir pourquoi l'alchimie fonctionne, l'amalgame se fait, l'harmonie émerge du chaos initial. À vrai dire, rien de moins cinématographique que la répétition, inlassable et laborieuse, d'une pièce musicale de plusieurs dizaines de minutes : comment rendre cela vivant, éviter l'écueil d'une vision documentaire ? La maîtrise dont fait montre le film, sur son versant proprement dramatique, repose d'abord sur la façon de mettre en scène l'acquisition, par ces musiciens, d'un langage commun, au-delà de la seule préparation de leur morceau.

Ainsi, cette séquence d'improvisation, de bœuf sur le morceau de Nirvana, "Where did you sleep last night ?", figure-t-elle l'entente enfin obtenue de ces quatre cabochards, tout à leur narcissisme d'artistes d'exception.

La réussite du film tient selon moi à cette capacité de mettre en scène la musique, qui est au fond l'un des personnages principaux de la maigre intrigue du film de Grégory Magne. Le récent En fanfare tournait lui-même autour de ce défi, représenter la musique classique à l'écran, pour susciter une objet filmique digne d'intérêt ; Les musiciens va plus loin, dans un geste assez radical, faisant de son quatuor d'artistes à Stradivarius un emblème de la musique de chambre, et réciproquement, la musique de chambre servant d'écrin aux performances d'acteurs inspirés : soit leur jeu plaît, et l'on accroche, soit les fausses notes gâchent le plaisir, et l'on peut concevoir une forme d'ennui.

On comprendra que pour ma part, le premier terme de l'alternative résume mon expérience, et j'ai même adhéré sans réserve au spectacle du film, en retirant même une forme d'euphorie, qui persistera une fois le générique tombé.

7
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le 12 mai 2025

Modifiée

le 12 mai 2025

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Mathieu Erre

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