Le collectionneur

"Les plaisirs de la chair" ou "Plaisir" en japonais s'ouvre sur une image qui sera le leitmotiv du film, un très beau ralenti, qui initie la destinée fatale du personnage principal. Ce principe de ralenti ne sera repris qu'une seule fois, vers la fin, dans une scène tout aussi cruciale qui montre la chute du personnage. Celui-ci, imible, sera entraîné dans une série d'actions dont la seule motivation est la perte de son premier amour. Il se retrouve vite pris dans un piège, un pacte faustien, qu'il décide de contourner et vit une année, le temps du film, au dehors de toute réalité et entièrement consacrée à sa jouissance... tarifiée. Bien sûr, cela se terminera par une trahison, justement, de son premier amour.
L'argent et le sexe sont les deux principaux moteurs du film. Le film propose une réflexion sur le prétendu pouvoir de l'argent, qui peut facilement s'inverser, château de cartes fragile et dérisoire qui conditionne cependant fortement les rapports humains. Les femmes sont réduites à des objets désirés. L'utilisation de plans très serrés sur les visages au point que l'on perçoit le grain de la peau est d'une grande beauté. Dans ces moments là, Oshima semble vouloir sonder au plus profond des âmes. L'éclairage est particulièrement soigné, les visages sont sculptés par l'ombre et la lumière. Il y a beaucoup de plans de va-et-vient entre les personnages L'atmosphère extérieure, principalement nocturne est dans une gamme chromatique à dominante rouge et verte, en net contraste avec les intérieurs plutôt clairs. Un seul plan diurne d'une grande amplitude illuminera ce film sombre. Oshima utilise également la surimpression d'images à plusieurs reprises. Les rapports humains quels qu'ils soient sont d'une grande violence physique. Qui peuvent aller jusqu'à l'automutilation. Le film est nerveux, le montage saccadé L'érotisme n'est montré que dans des étreintes brutales qui suggèrent un sado-masochisme.Le personnage principal est aussi hanté par des visions ; un plan curieux le montre en train de se regarder agir. La musique de Jōji Yuasa, compositeur de musique contemporaine, épouse parfaitement les situations, et sait être d'une grande diversité  Lors d'un mémorable numéro de contorsionniste, métaphore de la vie du personnage principal, le jazz rythme ce plan envoûtant.

9
Écrit par

Créée

le 20 janv. 2022

Critique lue 111 fois

1 j'aime

2 commentaires

abel79

Écrit par

Critique lue 111 fois

1
2

D'autres avis sur Les Plaisirs de la chair

Sueurs chaudes

Parmi les plus anciens auteurs japonais du politiquement incorrect, Nagisa Oshima fait figure de grand penseur. On retient certes davantage L’Empire des sens et Furyo, mais au milieu d’une...

Par

le 13 mars 2015

3 j'aime

Le collectionneur

"Les plaisirs de la chair" ou "Plaisir" en japonais s'ouvre sur une image qui sera le leitmotiv du film, un très beau ralenti, qui initie la destinée fatale du personnage principal. Ce principe de...

Par

le 20 janv. 2022

1 j'aime

2

Les Saveurs amers de la chair

plus noir, nihiliste, que subversif ou cochon. La trajectoire est un peu la même que dans le Casanova de Fellini : l’un finit avec un pantin mécanique, l’autre avec une prostituée muette, laide et...

le 10 nov. 2023

1 j'aime

Du même critique

Le mal-aimé

"Un braquage familial hilarant" (Kombini) est écrit en haut de l'affiche et "vend" donc le film comme une comédie. J'y suis allé parce qu'il m'avait été conseillé, et parce que Tanguy Vieil est le...

Par

le 20 oct. 2022

17 j'aime

17

Drive My Car
10

La voiture rouge

La montée en puissance de Ryūsuke Hamaguchi ne cesse de s'amplifier ; « ion » était encore joliment timide, «   Senses » avait à mon goût un côté trop...

Par

le 31 août 2021

11 j'aime

24

Du goudron et des plumes

"Tàr" est la collusion ratée entre la volonté de confronter un vieux monde (une certaine notion de la musique classique) avec l’actuel, biberonné au wokisme. Cela donne, par exemple : "Je ne joue pas...

Par

le 16 nov. 2022

9 j'aime

25