Miike a cela de fascinant, il a une conception de la violence aussi simple que détaillée, et cohérente avec chacun des personnages de ses histoires. Qu’on soit dans Ichi the Killer ou Visitor Q, chacun a une façon de la gérer et de l’exprimer. Ici, on est dans une approche clairement axée sur le milieu scolaire, qui offre son lot de portraits corrosifs. Les parents d’élèves qui se défoulent sur les enseignants, les querelles amoureuses ou d’intérêts (le système des tricheurs) entre étudiants, et les quelques relations professeurs-élève (le harcèlement d’une étudiante, une liaison homo, notre héros qui fait craquer une étudiante avec sa gentillesse de surface…), autant dire que le background sociétal est abondant, et qu’il développe avec une finesse vraiment intéressante chacun de ses mécanismes, en les désamorçant parfois par un déferlement d’ultra violence comme on n’en espérait plus. L’identité du psychopathe étant spoilée par la plupart des résumés, mais faisant le petit mystère de la première demi-heure, je garderai le silence sur le sujet (évidemment, c’est tout à fait cohérent avec le portrait en question). Le film étant brut de décoffrage dans toutes les thématiques qu’il aborde (surtout dans l’amoralité icônoclaste des relations consenties entre élèves et profs), et son absence totale de comion dans les affaires de chantage. Le psychopathe ne cessant d’être sur ses gardes et de collectionner les moyens de pression, les jeux de pressions que chacun tente d’exercer sur l’autre cultivant un climat explosif de perpétuelle tension. Mais peu à peu, ce climat réaliste et glauque cède de plus en plus à l’ultra-violence, le psychopathe s’appropriant peu à peu l’histoire au détriment des autres personnages, jusqu’à un dernier acte qui fait l’équivalent d’une décharge de fusil dans le ventre. Un sommet de violence qui abandonne toute logique et qui se lance à corps perdu dans la déferlante de violence, faisant immédiatement écho aux tueries en milieu scolaire qui ont secoué l’Amérique. Le tout avec un côté Battle Royale complètement assumé, où l’humour noir côtoie la violence sèche avec une facilité qui démontre le savoir faire et le jusqu’auboutisme de Miike. Le tout en insérant des symboles appuyés mais classes à son histoire (les deux corbeaux qui hantent le personnage (avec le double sens que "corbeau" implique), les statues du professeur...), entretenant sans cesse l’intérêt du spectateur par une intrigue imprévisible. Mélangeant les genres avec une facilité inattendue (le drame et le thriller pour la première heure vingt, le slasher/survival gore pour les quarante dernières minutes), Lesson of Evil est avant tout une bonne synthèse de cinéma, joignant à ses constats sociaux une violence percutante largement apte à immerger le spectateur. La limpidité de ses constats, associée au sérieux imperturbable du ton (l’humour cynique ne vient jamais brouiller l’amoralité du ton ou rabaisser les victimes), en font un de ces brûlots impensables dans nos contrées occidentales, qui n’hésite pas à verser dans l’hémoglobine, à échapper à tout contrôle et à tout envoyer valser dans une tuerie de masse, rivalisant avec le Sono Sion d’un Cold Fish. Tout simplement la révélation du mois.