Un homme dérobe deux vies de salaire à la banque qui l'emploi et contraint un de ses collègues à s'embarquer dans sa cavale. Les Delincuentes surprend par sa nonchalance et sa non-spectacularité. Le braquage de la banque est réalisé sans crainte, et si le film ne manque pas de tension, il est surprenant de voir que peu de péripéties arrivent finalement aux deux comparses du film. C'est d'ailleurs de là qu'émerge le meilleur de Los Delincuentes : nos attentes concernant les films de casse sont constamment déjouées au profit d'historiettes romanesques et franchement irrésistibles. Finalement, Los Delincuentes se pose comme une réflexion philosophique sur la liberté, volontiers anarchisante, sans jamais trop se prendre au sérieux. Les banques sont filmées comme des prisons, les cellules comme des chambres conjugales. Le contre-pied que trouve Rodrigo Moreno à Buenos Aires, sa grisaille et sa foule, c'est la pampa, les pique-niques au bord de l'eau, les jeux d'enfant, les histoires d'amour. Pourtant, c'est là que selon moi le bât blesse. La campagne est filmée avec un regard urbain : amoureux, ébahi et par conséquent aveuglé. L'amour est raconté depuis un point de vue strictement masculin et auto-centré, avec sa nymphe des champs, drôle, belle et séduisante. Dès lors, on retombe dans des poncifs narratifs un peu lourdauds. End dernier recours, Los Delincuentes est assez malin pour ne pas s'enfermer là-dedans - le personnage féminin dispose finalement d'une parcelle d'agentivité, et on comprend en creux que Moreno sait que les lubies de ses deux héros sont des lubies masculines, qu'il les filme en tant que telles, c'est-à-dire sans prêter attention à ses personnages secondaires, en considérant que le hors-champ prévaut comme argument narratif, que si la nymphe n'apparaît que comme nymphe, c'est parce qu'elle est prisonnière du regard de ses héros - mais par conséquent du film dans son ensemble. Le rêve de Los Delincuentes est finalement anachronique, comme les images du film, ancrées dans des années 70 disparues pour toujours.