"Too much of a good thing is wonderful"
C’est une histoire écrite mille fois, et qui finit inévitablement mal, celle d’un gigolo comme un autre qui s’attache à la star gay hollywoodienne qui l’entretient. Mais Soderbergh, lui-même fan de Liberace, arrive à rendre cette histoire toute particulière, et touchante.
Suivre le destin de Scott, son tomboy, permet de découvrir par une perspective intime celui de l’excessif Liberace, vieille folle de pianiste génial, aux mains encombrées de bagues et à l’intérieur d’un kitsch ultime rehaussé de caniches. Dans le privé, ce roi du music-hall (qui jouait avec un candélabre sur son piano, c’est dire) réserve sa libido acharnée aux playboys qu’il enchaîne les uns après les autres. Mais en public, il affiche une façade d’hétéro romantique, attendant juste « the right woman ».
Quant à Scott, baladé de famille d’accueil en famille d’accueil toute son enfance, il pense naïvement trouver en Liberace, à la fois le père, l’amant, le frère. Ils s’aiment à leur façon, mais s’aiment vraiment.
La performance de Michael Douglas est ici tout simplement bluffante, et Matt Damon surmonte des réticences légèrement visibles à l’écran pour rentrer dans son rôle.
Un bon film en somme me direz-vous ? Hé bien, non. Il s’agit à la base d’un téléfilm, produit par HBO.
Bluffée par la qualité et l’ambition d’un tel téléfilm, j’ai fait quelques recherches : et il s’est avéré que les producteurs avaient refusé de produire Behind the Candelabra car il n’aurait pas pu selon eux sortir en salle, étant « non-adapté aux public américain ».
La raison, vous l’aurez deviné : trop GAY.
Je l’écris en majuscule car ce mot semble être devenu une horrible injure ces derniers temps. J’ai rarement été aussi révoltée. Ce film n’a rien de sexuel ; on constate seules quelques scènes du genre, très vagues, qui auraient facilement pu être sinon êtres coupées au montage, du moins être gratifiées d’une interdiction aux moins de 10, voir 12 ans très grand maximum.
Non, ce qui a posé problème ici, c’est bien l’atmosphère gay outrancière, cheesy et décomplexée, c’est l’Amérique qui cachait ses stars homosexuelles et ces stars homosexuelles qui se cachaient de l’Amérique, c’est le SIDA.
Au moment de la sortie du film, nous étions en 2013. Tant de films bien plus explicites ou transgressifs sont déjà sortis ; Soderbergh est un réalisateur reconnu, ses acteurs aussi… bref il n'y avait aucune excuse.
Alors, serions-nous en train de régresser ?