Cette critique contient un spoiler sur la dernière saison de la série Les Soprano.
Je ne reviendrai pas sur les qualités de la série Les Soprano et sur les raisons qui en font à la fois un classique télévisuel et la série qui inaugura le renouveau des séries télés du 21ème siècle.
En 2021, son créateur David Chase décida de revenir à son univers en lui offrant une préquelle, The Many Saints of Newark. Une préquelle visuellement classieuse, réalisée par Alan Taylor (Game of Thrones, Terminator Genysis) et dotée d’un casting solide (Ray Liotta, Vera Farmiga, John Bernthal, Corey Stoll, et le trop rare Alessandro Nivola dans le rôle principal). Ironiquement narrée par le défunt Christopher, lequel n’est qu’un nourrisson dans le film, l’intrigue se déroule en 1967 et a pour principal intérêt de raconter le lien affectif qui unit le jeune Tony Soprano (Michael Gandolfini dont la ressemblance avec son père est stupéfiante), alors adolescent, avec son oncle Richard "Dickie" Moltisanti (Alessandro Nivola). Son père n’étant qu’une ombre rapidement mis sous les verrous, son autre oncle Corrado, un homme frustré et ombrageux, et sa mère, la femme de caractère qui deviendra le monstre acariâtre de la série, Tony ne trouve pour principal modèle et référent que Richard, lequel veille sur lui comme sur un fils (d’où le lien si particulier qui unira Tony à Christopher dans la série). Mais Richard a ses problèmes à régler : secrètement responsable de la mort de son capo de père et fou amoureux de sa jeune belle-mère, il verra bientôt un de ses porte-flingues se retourner contre lui dans une lutte de pouvoir prenant pour contexte les émeutes raciales de Newark de 1967.
À première vue, cela reste une intrigue digne des Soprano, humour noir, gangsters versatiles, misogynes et racistes, "héros" ambigu capable d’indulgence comme d’une violence soudaine dictée par la jalousie, actes criminels frôlant parfois la boufonnerie, la désacralisation du gangster scorsesien est toujours là à ceci près que le scénario reste minimaliste, s’acheminant vers une fin annonçant le futur Tony Soprano avec classe et cohérence (sur l’air de Woke up this morning).
Le film peut décevoir par le manque d’originalité de son scénario. Un peu comme El Camino pour Breaking Bad, mais en temps que préquelle et non suite, Many Saints of Newark n’a été pensé que comme un complément à destination des fans, censé approfondir la psychologie de Tony Soprano via la trajectoire dramatique de son modèle. Et c’est quelque part un régal, pour qui aime la série, de retrouver certains personnages comme Janice, Janet, Silvio et Paulie, ici plus jeunes mais reconnaissables à leurs tempéraments et leurs mimiques si particuliers.
Pas un chef d’oeuvre donc mais un bon film de gangsters, filmé avec soin (mention spéciale aux décors et à la photographie), qu’on peut s’autoriser à regarder sans avoir vu la série mais qui n’en est que plus appréciable lorsque l’on connait déjà l’avenir de certains de ses protagonistes.