Je poursuis (et conclus ?) ce petit cycle sur la guerre civile irlandaise. À vrai dire, Neil Jordan est un nom associé à l’ancien temps et il a beau sortir des films assez régulièrement, je n’ai rien vu depuis Entretien avec un vampire.
Alors que l’insurrection indépendantiste de Pâques 1916 a fait long feu, nombreux sont les condamnés à la peine de mort par les tribunaux de la couronne britannique. Quelques années plus tard, 1919, Collins est à la tête de l’IRA et défend les intérêts de la toute nouvelle et formellement illégale République d’Irlande. Son camarade Éamon de Valera devient le président de la république, un président emprisonné puis en exil. La pression de Collins et de ses hommes sur les polices britanniques va amener la couronne à négocier un traité avec les Irlandais mais celui-ci sera inégalement perçu par les militants irlandais, causant une scission du mouvement puis une guerre civile.
Pas vraiment de spoil dans ce synopsis si l’on considère tout ceci comme un récit de faits avérés et décrits ... et romancés. Le film adopte le point de vue de Michael Collins, présenté ici comme un héros de films d’action parfaitement compatible avec une épopée à grand spectacle. Les méchants sont méchants et les gentils ont largement la place pour s’exprimer. Reste à définir vraiment qui sont les méchants de l’histoire. Et c’est là que le film prend réellement parti. On pourra discuter longtemps de ce parti pris et de sa fidélité aux évènements mais ce serait oublier que ce film est avant tout un divertissement. Ainsi, on entendra peu la diversité linguistique locale (hormis l’accent marqué de Liam Neeson en anglais) et la complexité des rapports et idéaux politiques des uns et des autres n’est pas mise en avant. Dans le même ordre d’idée, Julia Roberts joue une militante irlandaise plus glamour que crédible. Donc on le voit bien, on est pas là pour débattre des enjeux philosophiques qui entourent la décolonisation de l’Irlande ou la révolution socialiste embryonnaire en cours, ni même le regard porté sur le nationalisme irlandais ou le suprémacisme anglais. Non, on suit une aventure rythmée et plutôt joyeuse menée par un héros au panache certain et au charisme entretenu. Ce Collins sait haranguer la foule et mener le combat l’arme au point. Et c’est vrai qu’on ne s’ennuie pas et que le film est accessible à celui qui ne connaîtrait rien au décor politique. On a même droit à une intrigue amoureuse un peu téléphonée et qui n’a que peu d’intérêt. Si on reste sur notre faim, c’est surtout parce qu’en survolant son sujet, le film perd l’occasion de dire des choses, d’aller au-delà du personnage qu’on aime aimer et de questionner la figure du héros national en temps de guerre. Dans la vraie vie, chacun prendra position pour un camp ou pour l’autre mais ce n’est pas ce film qui permettra d’alimenter une réflexion contradictoire. Et c’est là son point faible.
En définitive, un bon moment d’un cinéma d’antan à la simplicité confortable, mais aux ambitions réduites et aux arrangements historiques gênants.
>>> La scène qu’on retiendra ? Le basculement, quand le traité déchire le mouvement nationaliste et mène à la guerre fratricide à l’occasion de deux discours mis en parallèle.