Pour accroître son capital, Hollywood a longtemps cherché à adapter Minecraft au cinéma. Si au départ c’est un projet de série télé qui était envisagé en 2012, c’est finalement un film qui verra le jour. Un marché conclu en 2014, entré en production la même année, mais qui sortira à l’arrivée en 2025… soit onze ans plus tard. Une attente justifiée par diverses réécritures, différents acteurs qui quittent le navire et une pandémie qui a porté un sérieux coup de frein à une machine qui commençait tout juste à se mettre en route.
Et comme dans tous grands blockbusters malades, on a vu mille et un noms envisagés à un moment T, qui pouvait donner l’eau à la bouche, à savoir Shawn Levy à la réalisation (Real Steel, Free Guy, Deadpool 3) ou encore Jason Fuchs au scénario. Si son curriculum vitae est assez maigre et peu rassurant au cinéma (le pétard mouillé Argylle, Pan de Joe Wright, L’Àge de Glace 4 : La Dérive des Continents), il a surtout connu une incursion somme toute formatrice et utile dans le médium du dixième art en bossant directement avec Rockstar sur trois de leurs jeux : Read Dead Revolver, Bully ou encore Grand Theft Auto IV.
Donc comme toujours, c’est assez triste de regarder des noms prometteurs désinvestis sur des travaux à première vue faits pour eux. On peut repenser aussi à Gore Verbinski (les trois premiers Pirates des Caraïbes, The Ring, A Cure for Life) pressenti pour diriger l’adaptation du jeu vidéo Bioshock au cinéma… avant de voir Francis Lawrence (les Hunger Games et La Petite Nemo et le monde des rêves, avec un Jason Momoa qui sert la même prestation que dans Minecraft d’ailleurs) récupérer le bébé pour Netflix. Des occasions manquées comme ça, Hollywood y est abonné.
Mais bon pas grave, après des bandes-annonces toutes aussi désastreuses les unes que les autres, Minecraft ne donnait pas particulièrement envie. Il y avait tout de même quelque chose à souligner, une certaine frénésie ou une certaine célérité bienvenue. Mais qu’en est-il réellement ? Minecraft, le film est une antithèse sur patte. Et c’est autant sa meilleure qualité que son pire défaut.
Enfer de production est son deuxième prénom
Pour se rendre compte, le bousin vous explose à la figure comme un creeper dès les premières secondes. Premier plan, premier clin d’œil (et pas le dernier) face à une interface de génération familier des gamers, pour former de manière procédurale ce qui est ici appelé La Surface. On sourit, c’est sympa, l’équipe en charge de l’entreprise a semble-t-il bien appris sa leçon. Et la voix-off est là pour le souligner… le dispositif est un peu lourd, certes, mais témoignage sincère ? Allez savoir.
Toujours est-il que ce maigre espoir d’oasis s’évapore au moment où l’image suivante apparaît : le monde réel. On te parle de La Surface, on te montre qu’on la modèle pixels par pixels, pour nous renvoyer sur Terre et subir une introduction dispensable et fainéante par un narrateur… avant de refaire la même merde avec un autre personnage ? Inimaginable… et ce double foutage de gueule est probablement l’idée la plus créative et originale ici (retenez ça, c’est important, on aura l’occasion d’y revenir).
Et ces contradictions s’étendent sur toute la durée de l’œuvre (si on peut appeler ça comme ça), constamment. Par ailleurs, tous les personnages sont des fonctions sans âmes, qui réagissent aux besoins du scénario, mention spéciale aux protagonistes féminins, relégués au rang de deux baby-sitters en décalage refrénant et commentant les pulsions et folies des trois grands gamins joueurs et excités qu’elles accompagnent.
On va outreer toutes les incohérences spatiales et temporelles qui ont réuni notre groupe de quatre branquignols jusqu’à la Surface pour s’attarder sur ce qu’il s’y e. Bref, on est à 25 minutes, l’élément perturbateur survient dans les clous des standards américains (entre 20 et 25 minutes) et il en reste 70 pour boucler l’histoire. 1 h 10 d’incursion qui paraît donc bien misérable pour distiller et faire insuffler au spectateur le besoin de découverte et d’exploration propre au jeu.
Et c’est bien dommage, mais on se rend vite compte que ce n’est évidemment pas le but. Exit les trouvailles, bonjour l’avalanche gags et les tutos pour raccorder les wagons. Pourquoi s’encombrer de précieuses minutes à émerveiller quand on peut recracher les règles de l’univers en vingt minutes top chrono ? Faites le calcul, il reste trois quarts d’heure et on est encore en pleine visite guidée. Il faut agir et vite… alors pour perturber tout ça, première vraie scène où ça bouge… dans un village. Paie ta préparation/paiement aux fraises.
D’ailleurs petit 1 : pourquoi ils ne prennent pas d’armes et d’armures pour se défendre ? Parce qu’on a appris l’existence d’une salle de stockage avec tout plein de matos juste avant l’assaut ? Peut être car elles sont ridicules à porter et qu’on a envie d’en faire une blague dans le climax ? Ah d’accord pardon, je comprends, mes excuses ! On aurait pu les redesigner pour qu’elles soient plus saillantes et utiles, mais bref. Petit 2 : n’espérez jamais aller plus loin que 100 blocs autour de ce hub, adieu les multiples biomes et leurs directions artistiques si caractéristiques, vous n’aurez que la plaine et la grass et il faudra vous en accoutumer.
Vous aurez encore faim, c’est certain
On va arrêter de se morfondre sinon on va finir dépressif et on va se contenter de ce qu’on a et applaudir une des seules autres originalités de la proposition : des nouveaux crafts… ou nouvelles recettes. Petit cours pour ceux au fond qui n’y connaissent rien : à partir de diverses récoltes, on peut déposer sur un établi de neuf cases en trois par trois des éléments afin de forger des objets. Là où l’idée est moins séduisante, c’est que cet instrument résulte d’un assemblage certes inédit, mais complètement incohérent. Et voilà le souci, il ne suffit pas de faire n’importe quoi pour créer.
C’est peut-être prendre tout ça un peu trop au sérieux, mais le procédé de création a toujours été crédible (c’est peut-être pas pour rien qu’on illustrait des cours de physique-chimie avec Minecraft et son principe de redstone). Pour faire des planches, il faut du bois, pour une épée en fer, un bâton pour le manche et deux minerais juste au-dessus. Et on aurait pu adouber cet outil original, si on nous avait expliqué le processus, son fonctionnement… mais non, pas le droit, rien. Le script est avare en tout et surtout en ces petits détails qui favorisent l’immersion et se targue à l’inverse d’être une coquille vide. Gênant.
Et des exemples comme ça, il y en a à la pelle. C’est bien beau de nous sermonner sur les lois qui régissent ce bac à sable… mais encore faudrait-il s’y tenir. Pour quiconque a déjà empilé deux cubes, la disparition de Dennis n’a pas lieu d’être… et les hallucinations après une rencontre hasardeuse avec un Enderman non plus. Mais vu que c’est arrangeant pour le récit alors amen. C’est chercher la petite bête, évidemment qu’on a besoin de contourner les règles quand on adapte, mais venez pas dire que vous aimez le matériau de base si c’est pour prouver le contraire chaque minute durant.
Il n’y a même pas d’enjeu. Les personnages subissent visiblement des dégâts, Momoa bouffe quand même en pleine figure l’explosion d’un creeper, et se relève sans broncher, et son perfecto, pas plus que lui, n’ont aucune égratignure. D’accord c’est familial et ce serait se tirer une flèche d’araignée chevauchée dans le pied que de manger un avertissement ou faire fuir les gosses pour une séquence nocturne un peu trop horrifique et sous tension… mais tout de même… on en est là.
Dès lors, à quoi ça sert de jeter un seau d’eau pour amortir sa chute ? Pour la référence seulement ? Parce que des vols planés on va en voir encore et encore. Un personnage se sacrifie ? Aucune réaction de la part de soi-disant amis. C’est un outil surprise qui nous sera utile plus tard te murmure Mickey dans l’oreille, avant d’invoquer un odieux et honteux deus ex machina. Ne. Pas. S’énerver.
Faut croire que même tricher, c’est compliqué
Le plus triste dans tout ça, c’est que Minecraft était un terreau propice à recopier, mais à la place, on a singé et pris comme base les Jumanji avec The Rock, auxquels on aurait simplement mis un revêtement/skin cubique. Le tout en oubliant les quelques atouts des millésimes de Jake Kasdan à savoir que les héros avaient au moins le mérite d’apprendre par eux-mêmes les caractéristiques de leurs personnages et le monde dans lequel ils évoluaient.
À ce moment-là, comment défendre Minecraft, le film et son histoire qui prônent la créativité alors qu’il est encore plus flemmard et formaté que son modèle déjà flemmard et formaté ? Et le produit ne nous aide pas, rempli de tropes vus et revus jusqu’aux sempiternels sketchs parallèles au récit (cf: Scrat dans L’Àge de Glace). Ici, un png se retrouve sur notre planète et sort avec Jennifer Coolidge… Y a pas à dire, ça donne envie.
Énième voire ultime contresens qui achève de nous prendre pour des cons et qui prouve qu’ils en ont rien à foutre : quand on nous montre toute l’ingéniosité dont fait preuve l’armée de piglin de l’antagoniste à chevaucher les ghasts… dont l’unique but est d’annihiler toute créativité. Enfin bon, encore une fois, il fallait bien casser quelques œufs pour déployer un divertissement… honorable ? Malheureusement, l’entreprise se contredit tout le temps, et échoue dans tous les aspects.
De l’aventure ? Oui, à condition que ça se déroule aux abords d’un village où les spectateurs ne verront le nether, dimension alternative et fief des méchants, uniquement par le biais de flashbacks, ou séquences du point de vue ennemi, car les humains ne fouleront jamais ces terres, pas plus que celles de l’end, autre terrain ludique, qui lui, a totalement été oublié, même pas mentionné. Les effets spéciaux ? Certes, c’est soigné, mais les incrustations des protagonistes à l’intérieur de ces beaux décors gâchent tout. Des ages chantés pour rappeler la créativité ? C’est plus une case à cocher quand Jack Black joue dans une comédie familiale. Ah une comédie ! Bah c’est drôle du coup, non ?… Toujours pas.
C’était pas le truc le plus difficile à adapter et pourtant on a beau chercher, à part les clins d’œil et une durée polie et un rythme si expéditif qu’il en devient problématique – vous avez à ce point rien à dire ? – Minecraft, le film n’a rien pour lui, si ce n’est 150 millions de dollars et un casting susceptible de rameuter familles et foules en salle, pour les sustenter de merde. Cet énième blockbuster aussi fainéant que racoleur (y compris dans sa scène post-générique) et son scénario écrit avec le cube en viennent jusqu’à contredire l’ode à la créativité assénée grossièrement, alors même qu’il est un mauvais calque des pas plus glorieux Jumanji de Jake Kasdan. Un comble.