Le deuxième volet est souvent l’occasion de pousser les curseurs ayant fait le succès du premier, avant une correction de trajectoire et un recentrage au troisième. S’il est un Mission : Impossible qui dée mal la date de péremption, c’est bien celui-ci : en pleine mode des cinéastes hongkongais, Hollywood (= Tom Cruise à la production) recrute l’une de ses figures de proue, John Woo, et lui demande d’insuffler son esthétique à la franchise, comme le fit De Palma quatre ans plus tôt.
A l’époque, les fans de l’esthète se réjouirent de voir son cinéma contaminer le formatage de l’usine à rêves. Aujourd’hui, l’euphorie étant retombée depuis bien longtemps et la lucidité ayant pris le relais, il faut bien ettre que le ridicule l’emporte le plus souvent.
John Woo livre une partition ultra formaliste sur l’un des scenarii les plus ineptes de la série, où les clichés le disputent aux incohérences. Se concentrant surtout sur une romance, les ralentis du maitre prennent leur temps sur un flamenco puis un ballet de voitures annonçant avec la subtilité de Bollywood les ébats à venir.
La fidélité à l’opus précédent relève presque du plagiat : on retrouve la même ambiance comée et presque susurrée, un montage alterné assez malin en miroir inversé (cette fois, le méchant annonce dans un flashback les actions que fera Hunt, et que nous voyons dans le récit présent), et un braquage impossible à l’aide de câbles (mais cette fois, depuis un hélicoptère, surenchère oblige).
Le film souffre surtout d’un très grand déséquilibre : la romance phagocyte largement l’ensemble, et il faut attendre 1h15 pour voir survenir la première fusillade. Entre temps, on aura eu droit à la varappe égocentrée de Tom Cruise, qui ferait bonne figure dans une pub pour Elsève mais qui oublie que l’aspect collectif est pour beaucoup dans la jubilation de la franchise : Mission : Impossible est un film d’équipe, et Woo en fait un film de couple : amoureux, puis viril. Le final semble vouloir se rattraper sur le sujet et va accumuler tout le savoir-faire du cinéaste qui semble en roue libre. L’idée de colorer une franchise par une influence est méritante, mais tout est question de dosage. Ici, Hunt devient un expert en arts martiaux avec colombes en background, convoquant Terminator (la sortie des flammes à moto), Matrix et Sergio Leone dans un duel final à moto, le tout en montage alterné avec le ressac des vagues au ralenti, puissance immuables d’une poésie qui nous dée.
Le formalisme à l’extrême peut devenir une fin en soi : cet opus en fait le pari, et le perd dans les grandes largeurs. Quand on y pense, on attend toujours le retour de John Woo, alors qu’Ethan Hunt, toujours plus malin que les autres, a réussi à retrouver le chemin des grands écrans.
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