Telle est la phrase que répète, à plusieurs reprises, la baronne Karen Blixen dans le film "Out of Africa" lorsque, de retour au Danemark, elle entreprend de raconter sa vie et surtout son expérience kenyane.
Il y a beaucoup de nostalgie et de pudeur dans cette voix off qui ponctue le film en évitant de trop interrompre l'aventure proprement dite …
Et le film a été construit par Sidney Pollack pour donner cette impression que la phrase magique "j'avais une ferme en Afrique " déclenche une avalanche de souvenirs, bons et moins bons. Du mariage de convenance où Karen gagne un titre de baronne à la création de la ferme pour produire du café sur les hauts-plateaux kenyans. De la relation bancale avec son mari, Bror, à celle profonde qu'elle noue avec Denys, un aventurier au Kenya, on découvre que tous ces évènements s'inscrivent dans une fascinante Afrique qui va éblouir et conquérir le cœur de Karen.
Il faut bien avouer que Sidney Pollack nous met en conditions avec une somptueuse photographie (David Watkin) et une belle bande-son arrangée par John Barry qui n'hésitera pas à glisser des extraits de Mozart (le concerto pour clarinette) mais aussi des chansons traditionnelles africaines.
Et si le film vire parfois à l'œuvre contemplative, c'est principalement parce que les paysages s'imposent d'eux-mêmes au spectateur. Je pense à certains couchers de soleil ou ces marches dans la savane ou encore à cette longue virée en avion qui nous dévoile le pays sous un autre angle.
La distribution n'est pas en reste bien sûr avec une Meryl Streep dont le jeu est tout en finesse et pudeur entre la femme d'action qui prend en main la destinée de la ferme devant la "défaillance" de son mari, la femme qui porte un profond respect pour les gens locaux qu'elle emploie ou la femme qui accepte de se laisser séduire par ce loup solitaire qu'est Denis.
On a envie de croire à cette femme pleine d'empathie. J'aime beaucoup ces scènes où elle parvient à convaincre le jeune homme à la jambe blessée d'accepter de se soigner ou encore la scène où elle discute avec le vieux chef du village pour qu'il accepte l'idée d'une école. Et je ne parle pas de son don pour raconter une histoire (un conte) à partir de quelques mots, capable de charmer les cœurs les plus endurcis …
En fait, on a envie de croire à cette femme parce qu'elle parait absolument authentique.
Un autre personnage intéressant est le mari joué par un Klaus Maria Brandauer, très convaincant dans son personnage d'homme faible, versatile, peu fiable mais pas si méchant au fond …
Mais bien sûr, Robert Redford marquera les esprits avec son caractère à la fois séduisant, jaloux de sa liberté et finalement bien solitaire. Le cœur sur la main mais avec une main qu'il remet vite dans sa poche. Une autre facette de Jeremiah Johnson.
Oui, alors, bien sûr, l'action se e au Kenya au début du XX ème siècle dans un contexte de colonie anglaise qui est montré de façon globalement positive. Mais Pollack ne veut pas rester dupe lorsque, par exemple, il montre la fière concubine somalie lors de l'enterrement de son compagnon à l'écart de la cérémonie menée par des blancs. Mais ce n'est pas le sujet principal du film. De même que j'imagine que les scènes avec des animaux auraient aujourd'hui un peu de mal à être tournées.
Je connais ce film depuis longtemps et j'ai toujours beaucoup apprécié ce film très esthétique mettant en scène de beaux personnages comme celui joué par Meryl Streep. On s'y sent bien et on s'y laisse facilement envoûter par ces hauts plateaux à la végétation luxuriante.