Le jour le plus drôle

Avec Airplanes !, Les frères Zucker avaient inventé le film à sketchs (à moins que la paternité ne revienne aux Marx Brothers ?), soit des films avec une trame très sommaire enrobée généreusement d'une multitude de couches de gags débités à la mitraillette. Un sous-genre comique comme il en existe d'autres.


Le Splendid a par exemple inventé les films à répliques (à moins que ça ne soit Billy Wilder). A l'instar des ZAZ (Zucker Abrahams Zucker), la troupe du Splendid utilise une trame ultra fine qu'elle agrémente de dialogues fulgurants qui font encore mouche 30 ans après. Pour réussir cet exploit il faut des talents de dialoguistes exceptionnels et des acteurs à la mesure.


Ils sont venus, ils sont presque tous là


"Papy..." est l'une des plus ambitieuses comédies de l'histoire du cinéma français. Fruit du duo Lamotte / Clavier, cette relecture de la résistance et des classiques du genre (de l'armée des ombres de Melville à Roma ville ouverte de Rosselini) s'offre la fine fleur du cinéma français, toutes générations confondues. Les aînés : Galab', La Maillan, Jean Yanne, Jacques François, Roger Carel, Julien Guillomar, Jean Carmet, Jean-Claude Brialy... À noter que De Funès est mort avant le début du tournage (il devait jouer le papy, un poilu de 14 reclus dans la tranchée de son jardin), et qu'Annie Girardot, manifestement abonnée à Télérama, a refusé de jouer "dans une merde pareille".


Pour entourer les glorieux anciens, le bataillon du café théâtre répond présent et propose même 4 compositions comiques au firmament : Gérard Jugnot en ordure collabo Ramirez, Roland Giraud dans le rôle de sa vie, celui du francophile général Spontz, Jacques Villeret en demi frère d'Hitler qui n'est pas loin de mériter l'Oscar, et Martin Lamotte en Super Résistant, caricature de super héros schizophrène. Clavier étonnant de sobriété dans un tel tourbillon incarne Michel Taupin, un petit musicien mesquin qui rêve de se recouvrir du prestige de la résistance. Un rôle qu'il maîtrisait déjà à la perfection dans les comédies de Lauzier (cf "Je vais craquer").


Pas de chichis entre nous, appelez-moi Super.


Pour se payer le luxe de déconner sur ce sujet, il a fallu être irrésistible et soigner les dialogues. Et il n'y a rien à jeter dans cette folle reconstitution de l'occupation allemande. Accents approximatifs, délires historiques, parodie de super-héros, un exercice de style assez unique et tellement français qu'il est très difficile d'imaginer comment il peut être perçu à travers les yeux d'un spectateur étranger. Il serait probablement perçu comme un nanar à ranger aux côtés du Fuhrer en folie, ou de Où est é la 7e compagnie, aux yeux d'un américain.


Une pure comédie française qui fait le lien entre les dialogues de la vieille école menée par Audiard, et l'humour mi pince sans rire mi d'observation du Splendid.


On a rarement vu des comédies avec des scènes comme celle là, (à la limite chez le fabuleux Inside N°9). La limite entre le grotesque et la finesse absolue n'a jamais été aussi tenue. Un "twist" monumental qui permet de prendre à contre-pied toutes les critiques susceptibles de s'abattre sur l’imbécillité du projet. Un double pied de nez, qui clôt le film en fanfare.


"Papy..." est le dernier grand film du Splendid. Ils n'ont jamais retrouvé cet état de grâce, ensemble du moins et très rarement séparément. Un film qui réunit des générations de comiques français autour d'un sens du dialogue qui a malheureusement disparu des écrans. Et ce ne sont pas les Olivier Baroux ou les Fabien Onteniente qui vont le ressusciter.

8
Écrit par

Créée

le 14 oct. 2019

Critique lue 765 fois

8 j'aime

Negreanu

Écrit par

Critique lue 765 fois

8

D'autres avis sur Papy fait de la résistance

Cinéma de (grand-)papa

Je n'avais pas revu ce grand classique de l'humour franchouillard depuis l'enfance, et je croyais sincèrement er un bon moment, même si le style de Jean-Marie Poiré n'est pas forcément ma tasse...

le 10 mai 2022

24 j'aime

21

age de flambeau ?

Ne serait-ce qu'avec le jour le plus long ou Paris brûle-t-il, la seconde guerre mondiale a au cinéma donné lieu à différente reprises à des films sachant s'entourer d'une distribution...

Par

le 8 janv. 2023

14 j'aime

14

Les visiteurs germains

C'est pas toujours facile d'avoir grandi en . Dans un pays qui fait partie des gagnants de la seconde guerre mondiale seulement grâce à ses alliances. Si on regarde la vérité, on s'est fait...

Par

le 12 juin 2019

11 j'aime

20

Du même critique

Vice de fond

The Big Short était un film dynamique, rythmé, malin et relativement original dans la forme. Au moment de s'attaquer à un film sur "l'oeuvre" de Dick Cheney, Adam Mckay allait évidemment se reposer...

Par

le 9 mars 2019

45 j'aime

4

X

Seniorrible

Regardons de plus près les similitudes entre les deux grandes sensations horrifiques de l'année :- Barbare de Zach Cregger. Pendant 30 minutes, c'est pas mal, les 40' suivantes baissent en gamme...

Par

le 3 nov. 2022

30 j'aime

7

Et si The Outsider était la nouvelle arme des américains pour faire chier nos jeunes ?

Un meurtre d'enfant aussi sauvage que sordide, des preuves accablantes qui incriminent contre toute attente un citoyen respectable d'une paisible bourgade (elles le sont toutes là plupart du temps...

Par

le 10 mars 2020

30 j'aime

6