Paris brûle-t-il ?

Le riche livre de Lapierre et Collins a été adapté au cinéma en 1966 par René Clément. La mise au point du scénario fut sûrement une tâche difficile puisque plusieurs scénaristes français dont Gore Vidal et Jean Aurenche s'y attelèrent avec l'aide de Francis Ford Coppola.


Si grosso modo, on retrouve bien la ligne générale du livre, en revanche, les aspects politico-politiques au sein de la Résistance française mais aussi entre De Gaulle et les alliés ont été soigneusement atténués. A cela j'y vois, de ma fenêtre, deux raisons : d'une part, il fallait un film "grand public" fédérateur et patriotique, un peu l'équivalent français du "jour le plus long" ; il n'était donc pas utile de mettre en avant les sourdes rivalités entre communistes et gaullistes ni la stratégie des Alliés dont la libération de Paris n'était pas la première priorité. La deuxième dont je ne mesure pas d'ailleurs l'importance mais qui me semble évidente, c'est qu'en 1965 ou 1966, on était en pleine période gaullienne. Il s'agissait de rassembler et pas de diviser.
En cela, le film perd beaucoup sur la dimension politique ainsi que sur les enjeux post-Libération qui sont précisément et pédagogiquement décrits dans le livre.


C'est un film historique et il est amusant ou intéressant de voir interpréter des gens connus ou de l'espace public d'après-guerre par des vedettes. Par exemple Delon dans le rôle de Chaban-Delmas, Bruno Cremer dans le rôle du colonel Rol, Kirk Douglas dans celui du colérique Patton ou Glenn Ford dans celui de Bradley. Sans oublier Pitoeff dans le rôle de Pierre Joliot-Curie ou Belmondo dans celui de Morandat dont la seule cascade aura été un ramper en tirant un vélo sous les balles.
Et bien sûr le facétieux Claude Rich dans un double rôle dont celui de Leclerc. Pourquoi d'ailleurs un double rôle ? A-t-il fallu faire une économie de dernière minute ?


D'autres acteurs renommés n'ont qu'un petit rôle comme Simone Signoret en bistrot ou, encore plus curieux, Anthony Perkins, en soldat fasciné par Paris.
Finalement, trois acteurs tirent leur épingle du jeu du fait de leur rôle clé dans le scénario : Pierre Vaneck dans le rôle du commandant Gallois qui ret les lignes alliées pour les convaincre de redre rapidement Paris, Gert Froebe, excellent en général nazi, Von Choltitz, spécialement désigné par Hitler pour défendre Paris contre les Alliés sinon le détruire. Le troisième, c'est Orson Welles dans le rôle du médiateur, le consul suédois.


Je mentionnerais bien un "couac" qui m'agace chaque fois que je revois ce film à propos de la scène jouée par le personnage de Françoise Labé qui cherche à faire libérer son mari d'un train en partance pour les camps. D'un point de vue scénaristique, c'est invraisemblable et le jeu de l'actrice Leslie Caron, même pas crédible. J'ai même vérifié qu'il s'agit d'un ajout car cette scène et ce personnage ne figurent pas dans le livre.


Au final, je dirais que René Clément est un cinéaste qui a su faire des films bien plus personnels comme "jeux interdits" ou "plein soleil". Ici, il a fait un film fort intéressant, sincère et qui se regarde avec plaisir mais quand même assez impersonnel.
Pour qui voudrait en savoir plus, je recommanderais de lire le livre.

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le 17 avr. 2022

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JeanG55

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