Prince of Broadway
7.4
Prince of Broadway

Film de Sean Baker (2008)

Fake American Dream

Nouvelle pierre d'un édifice consacré au quotidien de marginaux à mettre au crédit de la filmographie de Sean Baker, qui au fil des films vus ressemble de plus en plus à une sorte de Larry Clark un peu moins destroy et un peu plus adulte. Prince of Broadway est l'une de ses premières réalisations et les thématiques explorées pourraient paraître consensuelles, peu aventurières : sous le vernis d'un vendeur de contrefaçons errant dans les rues de New York, on retrouve un portrait kaléidoscopique de la paternité, de l'immigration, et surtout de la débrouille dans un environnement constellé de sollicitations diverses et souvent contradictoires.


On suit à ce titre les pérégrinations de Lucky, un Ghanéen néo-new-yorkais vendant des marchandises contrefaites en utilisant l'arrière-boutique de son patron et meilleur ami, multipliant les combines pour vivoter dans une zone de simili stabilité — qui se révèle être plutôt l'œil d'un cyclone. Un jour, une ancienne amie débarque et lui balance littéralement dans les bras un enfant en prétendant qu'il s'agit du sien : finies les improvisations quotidiennes, c'est dans la contrainte qu'il va devoir trouver un semblant d'organisation. Avec le gamin dans les bras, une seule question le taraude : pourquoi on ne le remarque plus dans la rue ?


Baker n'est pas du genre à faire la morale, et il n'y aura pas de discours lénifiant sur la paternité naturelle, spontanée, presque transcendante. En réalité, Lucky dans ce film correspond un peu à Halley de The Florida Project, un personnage interprété par un acteur non-professionnel s'illustrant dans une marginalité singulière — et on pourrait trouver des erelles avec la tentative de normalisation chez Mikey dans Red Rocket ou encore avec les péripéties d'Ani dans Anora. Le plus délicat dans Prince of Broadway, c'est ce style de mise en scène, impossible à éviter (et auquel il faut s'adapter, s'habituer), tout en caméra à l'épaule, plans serrés autour des visages, et caméra tremblante. Un procédé extrêmement désagréable au début, mais qu'on peut finir par oublier dès qu'on s'immerge dans cet environnement réaliste captivant. Il y a bien des longueurs épisodiques, notamment en termes d'oscillations entre attraction et répulsion père / fils, mais le film n'est pas avares en moments surprenants, entre confusion et sidération, en utilisant le potentiel de contraste entre ce père toujours à l'arrache et ce pauvre môme perdu dans un univers inadapté aux enfants.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Prince-of-Broadway-de-Sean-Baker-2008

6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Cinéphilie obsessionnelle — 2025

Créée

le 22 mai 2025

Critique lue 4 fois

1 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 4 fois

1

D'autres avis sur Prince of Broadway

Fake American Dream

Nouvelle pierre d'un édifice consacré au quotidien de marginaux à mettre au crédit de la filmographie de Sean Baker, qui au fil des films vus ressemble de plus en plus à une sorte de Larry Clark un...

Par

le 22 mai 2025

1 j'aime

Rocky junior vend des sneakers

Je continue d'explorer la filmographie de Sean Baker et le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle est faite pour moi. Cinéma naturaliste, qui mise sur des acteurs amateurs sacrément convaincants...

Par

oso

le 15 mars 2025

1 j'aime

Critique de Prince of Broadway par Yasujirô Rilke

Dans ce 3ème S.Baker, tout le mumblecore, dans sa veine post-Cassavetes et simili-documentaire NY, semble comme synthétisé, sans la ferveur des Safdie, à travers ce récit tragicomique de paternité...

le 1 nov. 2024

Du même critique

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

Par

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

Par

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

Par

le 8 mars 2014

126 j'aime

11