On croit souvent connaître School of Rock avant même de l’avoir vu. Une comédie de studio, avec son clown électrique en guise de professeur, sa bande-son nostalgique, ses enfants trop mignons pour être vrais. Mais à regarder vraiment le film de Richard Linklater, on y voit une utopie qui ne dit pas son nom, une fantaisie anarchiste qui s’ignore peut-être elle-même, et c’est ce qui la rend précieuse.
Il y a, dans l’entrée de Dewey Finn à l’école Horace Green, quelque chose du corps étranger, du parasite joyeux, presque du contrebandier. Il ne vient pas pour enseigner, mais pour fuir. Il ne croit pas en la mission, encore moins en l’institution. Et pourtant, c’est à travers elle, et malgré elle, que s’invente un autre rapport au savoir : horizontal, accidentel, pédagogique.
Dewey est une figure bancale, irresponsable, souvent grotesque. Et pourtant, il cristallise une autre idée de l’adulte : celle qui accepte de ne pas savoir, qui apprend en même temps qu’elle partage, qui prend le risque de l’échec et du ridicule. Le contraire d’un modèle.
Le décor, d’ailleurs, en dit long. Cette école privée proprette, saturée de discipline, de classement, de protocole, fonctionne comme un avatar miniature du monde néolibéral : chaque enfant y est une performance à venir, chaque faute une menace, chaque heure un investissement. Dewey, lui, détourne. Loin du profit, du mérite, du tableau d’honneur. Loin aussi du fétichisme de la "réussite" individuelle.
Et ce présent, Linklater le filme avec cette douceur qui est la sienne, cette foi inentamée dans l’être-en-train-de-se-faire. Ce n’est pas un "feel-good movie" au sens du confort, mais un film qui donne envie. De créer, de partager, d’oser.
Alors oui, on peut ne voir dans School of Rock qu’une comédie américaine de plus, une parenthèse régressive, un Jack Black en roue libre.
Mais peut-être qu’au fond, c’est ça, être rock : ne pas crier révolution, mais la murmurer, dans une salle de classe, entre deux gamins, une basse et un vieux micro. Jouer faux, mais ensemble.