Rosalie
6.1
Rosalie

Film de Stéphanie Di Giusto (2023)

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La barbe ne fait pas l'homme !

8 ans ! C’est le temps qu’il aura fallu à la réalisatrice Stéphanie Di Gusto pour mener à bien son projet de deuxième film : Rosalie. On dit souvent que c’est le deuxième film qui est le plus difficile à faire, en voilà une preuve. Et pourtant, son premier long métrage, La Danseuse, avait connu un franc succès en 2016 : 215 000 entrées en fin de carrière, sélection au Un Certain Regard cannois, 6 nominations aux César pour un Prix finalement, celui des Meilleurs costumes.

La Danseuse et Rosalie comptent plusieurs points communs. Les deux films s’intéressent à une figure féminine ayant réellement existé. Dans son premier film, la danseuse du titre était Loïe Fuller. Dans Rosalie, le personnage historique qui a servi de modèle s’appelle Clémentine Delait, une femme à barbe qui eut une certaine notoriété en début du XXe siècle, et qui avait toujours voulu éviter de devenir un banal phénomène de foire mais plutôt vivre sa vie de femme, aussi normalement que possible. Pour autant, Stéphanie Di Gusto ne souhaitait pas réaliser un biopic stricto sensu et a pris de nombreuses libertés pour développer son intrigue.

Rosalie est un film touchant et sincère, délaissant les effets de style et les grands rebondissements pour se concentrer sur l’intime, le sensible, l’émotion. La réalisatrice explique ses choix : « Je voulais éviter ce surréalisme épique. Je trouvais ça plus original de confronter Rosalie tout simplement à l’amour avec sincérité et humilité, chercher une vérité des sentiments, enlever toute artificialité au récit, y croire. Je voulais, que l’histoire paraisse tellement vraie qu’elle en devienne une fable ».

Pour incarner Rosalie, Stéphanie Di Giusto fait appel à la jeune étoile montante du cinéma français Nadia Tereskiewicz (Seules les bêtes, Babysitter de Monia Chokri, Les Amandiers, Mon crime…). Pour l’anecdote, c’est la réalisatrice qui avait offert à Nadia sa toute première apparition au cinéma, un second rôle dans La Danseuse. Alors qu’elle rencontrait des difficultés à trouver son interprète de Rosalie, les deux femmes se sont croisées par hasard dans la rue, et Stéphanie Di Giusto a proposé à Nadia de er des essais. Pour la cinéaste, son casting a été une révélation, une « évidence charnelle » : Nadia n’a pas fait de coquetterie d’actrice et n’a pas eu peur de porter la barbe.

Côté scénario, Rosalie est une jeune femme vivant à la fin du XIXe siècle qui est atteinte d’hirsutisme, le nom scientifique pour ce trouble pileux rare. Chose courante à cette époque, son père organise un mariage arrangé avec Abel, tenancier d’une petite brasserie, qui peine a garder la tête hors de l’eau à cause de dettes importantes. Abel voit tout d’abord en Rosalie une manière de récupérer la dote et de rembourser une partie de ce qu’il doit au châtelain local, joué par Benjamin Biolay. Ce n’est qu’après le mariage qu’Abel découvre le trouble de pilosité excessive de sa femme. Et il n’est pas ravi-ravi. Les dettes continuent à s’accumuler dans le café presque désert, et pour tenter de faire revenir les clients (et suite à un pari avec l’un d’entre eux), Rosalie décide de se laisser pousser ses poils.

Benoît Magimel incarne à la perfection Abel, un ancien militaire revenu à la vie civile blessé, un homme contraint, criblé de dettes, sombre. Le décor joue également un rôle important dans le film, l’ensemble du long métrage s’y déroulant, en huis clos. Il s’agit d’une magnifique forge désaffectée du XIXe siècle, bien entretenue par ses propriétaires, en plein cœur de la Bretagne. Construire en studio un tel décor aurait été extrêmement coûteux pour la production, et trouver un cet endroit en décor naturel était une vraie aubaine.

Rosalie est un film à la réalisation simple et académique, mais extrêmement sincère et touchant, qui se focalise davantage sur les relations humaines compliquées que sur le trouble dont est atteint le personnage principal. Un film sur l’acceptation des différences, sur la tolérance, qui n’assène pas son message à grands coups de marteau, mais le délivre en toute délicatesse.

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le 18 mars 2025

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D. Styx

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