https://youtu.be/SpZFIG2mx5E
Robert Wise a le chic pour reprendre le thème, l'atmosphère, la structure d'un film pour lea faire sien·ne quelques années plus tard : Deux sur la balançoire (1962) rappelle La Garçonnière (1960) de Wilder, La Maison du diable (1963) lorgne du côté des Innocents (1961) de Clayton, Audrey Rose (1977) joue avec les attentes posées par L'Exorciste (1973) de Friedkin. Avec Secrets de femmes en 1950, sûrement Wise avait-il le destin enchevêtré des trois femmes de Chaînes conjugales (1949) de Mankiewicz en tête, notamment parce que le film venait de gagner deux Oscars, celui de la réalisation et du scénario adapté.
Un avion s'écrase. Seul survivant, un enfant adopté. Tandis qu'une équipe part à sa recherche, trois femmes sont réunies, dont l'une est la véritable mère, sans que ni elles ni nous ne sachions laquelle. Le récit convoque leurs trois histoires en flash-backs indépendants. Si l’accident suscite le désordre de l’information multiple, attire la foule et l’intérêt des journalistes, et démultiplie les visages que le cadre tente de contenir, Wise renforce au contraire son récit autour d’une structure rimée — trois femmes, trois histoires — et d'un leitmotiv, le cercle.
Si Wise use ici d’un tel leitmotiv, c’est qu’il sort tout juste de la RKO et se retrouve pour la première fois confronté au grand mélodrame hollywoodien, hors des habitudes de son studio. Pour ne pas se perdre dans cette narration nouvelle et ne pas tomber dans les travers habituels du genre, il se doit d’unifier son récit autour d’un élément visuel qui contrera la fragmentation scénaristique et imbriquera habilement ces trois histoires-saynètes autour d’un seul et même film. Ainsi, la clef se livre à nous, quelques minutes é le générique. Une loupe agrandit l’une des images prises de l’incident, et en son centre, l’enfant. Scène suivante, quelques instants plus tard, initiée par un travelling arrière débutant sur un gros plan du gâteau pour l’anniversaire de Johnny. Si Wise présente ce motif du cercle comme attaché à la figure de l’enfant, ses variations visuelles lui permettront littéralement de resserrer les liens entre chacune des trois mères. S'en suivent roue, combiné de téléphone, jumelles, mégaphones, eau qui s'écoule dans un évier, etc. ; transformations circulaires.
Ainsi, l’analyste peut aisément interpréter ce motif du cercle : l’union (le rassemblement en cercle, la circulation de l’énergie), l’enfermement (l’encerclement séquestrateur), la renaissance de l’Ouroboros liée à la redécouverte du fils, ou bien tout simplement la maternité et la grossesse qui l’enfante. Cependant, se garder de la symbolique et de la sur-interprétation permet de ressentir esthétiquement ce que produit un tel leitmotiv : une association harmonique (l’enfant) autour de trois mélodies (les mères). Le cercle devient littéralement une figure morphique permettant la transition entre les récits en flash-backs, d’une femme à l’autre ; la loupe et le gâteau ont ainsi contaminé la représentation féminine, cette construction abstraite, et donné naissance à un point de recoupement esthétique pour un enfant avec trois mères.
6,5.