Le portrait que l'on nous présente dans Shame est celui d'un homme perdu, avant d'être celui d'une personne en proie à une addiction. Steve McQueen réalise un coup de maître avec ce film, il nous emmène au plus profond de la honte, de la solitude et de ce besoin de la combler sans y parvenir.
Pas forcément emballé au départ par ce film, je me suis finalement convaincu de le regarder, et autant dire que j'ai bien fait, car Shame est un drame, un vrai, porté par deux acteurs bouleversants et justes. Pourtant à premières vues il est assez difficile de savoir si le film est susceptible de nous plaire tant le pitch de base reste assez vague, cependant c'est très bien ainsi car il permet de ne rien dévoiler de l'intensité du drame psychologique qui va se dérouler ensuite.
Ce qui rend Shame si beau malgré le rejet qu'il peut susciter, c'est qu'il nous emporte vraiment, il nous plonge dans le quotidien de cet homme, et on le doit notamment à la mise en scène exceptionnelle de Steve McQueen. Le réalisateur filme son acteur sous tous les angles, avec intimisme et profondeur, ce qui donne vraiment une dimension psychologique intense au personnage de Brandon. Un homme seul qui vit dans un grand appartement à la décoration sobre et blanche, en parfaite adéquation avec la vie qu'il mène: Une vie vide, où son addiction est omniprésente. Autant dire que quand Sissi, sa sœur, débarque dans sa vie, Brandon va être en premier lieu pris de court mais également paniqué d'une certaine façon, car il va devoir cacher son addiction. Cependant pas de cliché ici, nous ne verrons pas Brandon cacher à toutes vitesses son imposant stock de films pornographiques, et les magazines qui vont avec. D'ailleurs heureusement que l'on ne tombe pas dans tout ces gros clichés, car ils entraveraient à coup sûre le cheminement jusqu'ici bien maintenu de l'addiction du personnage.
Aux premiers abords on peut penser que le réalisateur ne souhaite finalement pas trop nous emmener quelque part, et simplement nous dépeindre la vie d'un homme seul rongé par ses propres démons. Mais "Shame" révèle avoir une bien plus grande profondeur, et il prend une très grande dimension dramatique, et même si le film parle de sexe et de l'addiction que l'on peut avoir à ce sujet, on ne tombe cependant jamais dans le choquant ou bien le vulgaire. C'est esthétique en tout point, et ce même si l'on n'hésite pas à nous montrer Michael Fassbender totalement nu et parfois même en gros plan.
Le casting est parfait, Fassbender est dans son rôle du début à la fin et ne s'écarte pas une seule fois de son personnage. L'acteur prouve ici qu'il s'adapte à toutes sortes de rôles, et c'est excellent pour sa carrière. Face à lui la candide Carey Mulligan s'en sort à merveille et délivre également une très belle prestation, ce rôle lui va comme un gant et lui permet d'être plus convaincante que dans le très plat Drive où elle donnait la réplique au très fade Ryan Gosling.
Shame est donc une œuvre audacieuse, qui va au bout de ses convictions et qui maîtrise parfaitement la dimension de ses enjeux. Un drame saisissant qui nous transporte au plus profond d'un personnage bouleversant.