Shame, la honte que l'on traîne comme un boulet, la tache qui s'étend et bousille une existence parce-qu'elle prend la forme d'une addiction au sexe sur Internet.
Fantasmes, images choc de plus en plus folles, de plus en plus hard, consommation effrénée de jouissance qui rend la réalité quasi obsolète et ringarde.
Brandon a tout : aisance matérielle, grand appart à New York, charme, élégance et classe folle, Prince Charmant moderne dont n'importe quelle femme pourrait tomber amoureuse:
you are handsome"
lui dit sa jolie collègue de travail qui a flashé sur lui et entamerait bien une relation plus sérieuse.
Seulement voilà, lui ne voit les femmes qu'à travers le prisme déformant de son ordinateur, désormais accro à ces râles, ces gémissements feints de créatures en rut qu'il consomme quotidiennement du bureau à l'appart et qui lui fournissent sa dose de plaisir et de jouissance brute et immédiate.
Alors quand sa soeur, paumée, fragile et en manque d'amour débarque chez lui à l'improviste il la perçoit comme une gêne, incapable de rien lui donner, et c'est presque malgré lui qu'écoutant la jeune chanteuse de jazz interpréter au ralenti comme dans un rêve embrumé New York New York, il essuie à la dérobée quelques larmes.
Michael Fassbender, présence époustouflante, s'est coulé à la perfection dans ce personnage en souf qui se shoote à l'ennui, soumis à ses pulsions, gavé de fantasmes, belle coquille vide, impuissant à aimer, collectionneur de sexe mais infirme émotionnel qui ne partage rien et ne vit pas.
Un film fort et désenchanté porté par le jeu sidérant et plein de grâce derrière l'abjection affichée, d'un acteur dont je retiendrai d'abord, en dépit du corps irable, le beau regard perdu dans un magnifique plan qui laisse entrevoir une infime lueur de guérison et d'espoir.