Une pute est-elle une femme ?

Gueule d'Amour sort d'une taule pour minots de Marseille. Pas de daronne - quelle misère ! L'éducatrice le cornaque au foyer. Zachary fugue aussitôt, rallie ses potes d'un quartier nord. Hélas pas de fric, ni de crèche. Il tombe sur Shéhérazade qui les lui offre. Et les emmerdes rappliquent en escadrille...
Zac est-il un vrai mac ? Selon le code du quartier, une pute n'est pas une femme. Faut pas mixer bisenesse et sentiment. Le mélange rend maboul : Zac craque en vrac, attaque au scalp et du gun.
Étonne-toi s'il dérouille au pays des Mille et Une Nuits blanches !


Une pute est-elle une femme ?
Jean-Bernard MARLIN construit son premier long métrage autour de cette question. D'où son titre "Shéhérazade" qui surprend, car Zachary est omniprésent à l'écran. Mais un problème de conscience tenaille le voleur proxénète. Doit-il continuer à obéir au code d'honneur de son clan ? Shéhérazade n'est-elle qu'un gagne pain ? une gagneuse ? une machine à distribuer du cash ?
Il peine à changer, Zac. Débordé par ses sentiments, il déclenche une vendetta. La métamorphose en être humain est douloureuse. Shéhérazade n'est-elle qu'une machine à sous ? Ou une femme digne d'être aimée ? Pourquoi sa propre mère le traite-t-elle de balance ? Où est la justice ? N'est-il pas temps d'assumer ses actes ? Zac se dépouille péniblement du vieil homme, endure, cherche à comprendre ses sentiments pour une femme.


Plus je réfléchis, plus j'aime "Shéhérazade". Le réalisateur évite le pathos et toute complaisance (scènes de violence et de sexe). Il filme avec sensibilité, empathie et justesse des personnages complexes, perturbés par leur é, qui gardent une part de mystère. La photographie parfois baveuse correspond à certaines situations glauques, souvent nocturnes. Cette histoire de voyous, englués dans la toile destructrice de leurs actes, est une fiction réussie. Grâce à une mise en scène limpide, le spectateur accompagne nos héros dans leur délicate métamorphose humaine. Et l'odyssée rédemptrice de ces jeunes paumés marseillais coule de source.

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le 3 sept. 2018

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Lionel Bonhouvrier

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