Un long discours avant, puis 1h20 d'images, puis un autre discours après, et à l'arrivée : la désagréable sensation de n'avoir rien vu, rien découvert, rien appris. Un constat émerge cependant : ce voyage, qui devait être celui de la reconnexion aux enjeux de l'eau dans le monde (d'après leurs propres mots et la fiche du film), paraît être celui de la préoccupante plongée des "influenceurs écolo" dans l'égotrip environnemental. Alors, essayons tout de même de détailler notre sentiment.
Shimla porte au départ un objectif des plus noble et intéressant : documenter les enjeux de l'eau à travers le monde, dans un voyage s'étendant de Gare de l'Est jusqu'à Shimla et les montagnes de l'extrême nord indien, et le tout sans prendre l'avion. Un postulat de départ qui paraît donc vertueux, et qui promet un récit centré sur des acteurs luttant contre la raréfaction de l'eau, que les deux protagonistes du documentaire (Johan Reboul, aussi connu comme étant "Le Jeune Engagé", et Victoria Guillomon, militante et podcasteuse environnementale) auraient rencontrés sur leur chemin. Comme expliquer alors ce goût amer teinté d'imposture ressenti à la sortie de la séance ?
Premièrement, les enjeux liés à la raréfaction de l'eau, apparemment si centraux dans le développement du voyage, sont quasiment absents du documentaires et lorsqu'abordés, restent sous-développés. Que ce soit en Egypte, a Oman ou en Inde, le schéma est le même : on nous présentent rapidement une association, ou un acteur en particulier, sans jamais rentrer dans le détail de son activité, de son histoire personnelle ou bien même des solutions portées. Si ce défaut est gênant et jette un parfum déceptif au documentaire, il pourrait se "pardonner" si le film enchaînait ce genre de séquences, dans une espèce de fresque maladroite et brouillonne d'acteurs luttant contre la raréfaction de l'eau dans leurs régions. Bien malheureusement, ce n'est pas le cas, nous amenant au plus gros problème du documentaire, un problème qui rend l'œuvre difficilement audible et coupe toute sympathie envers les deux protagonistes.
Car au-delà des intentions affichées, c'est un tout autre récit qui est livré aux spectateurs, un récit ou un nombre incalculable - dans le sens le plus littéral et irritant du terme - de plans et de séquences sont dédiées aux deux voyageurs, a leurs personnalités, a leurs rencontres, a leur développement personnel avant et pendant le voyage, aux moindres de leurs blagues et pensées "inspirantes". L'utilisation de guillemets ici peut sembler mesquine, mais ceux ayant vu Shimla confirmeront, la voix off nous assomme tout du long à coup de grandes phrases toutes faites qui semblent forcées, comme si la volonté n'était non pas de documenter (curieuse idée pour un documentaire je sais), mais d'"inspirer" (j'aurais mis plus de guillemets si j'avais pu). Exemple criant de cette ortie narrative, la notion d'"écologie intérieure" inventée pour l'occasion, et qui semble tout droit sortir d'une parodie du Palmashow.
Résultats des courses ? En lieu et place d'un documentaire cartographiant les enjeux de l'eau au fil d'un voyage, on se retrouve avec un vlog de développement personnel sous perfusion de narcissisme, le tout financé par un crowdfunding et des donateurs qui ont dû serrer le poing et contracter la mâchoire en voyant le produit final.
PS - pour ceux se demandant si ils ont au moins réussi a ne pas prendre l'avion pour arriver en Inde, la réponse est non : un premier vol pour redre l'Inde car bloqués au port d'Oman pour raisons diplomatiques (pardonnable), et un deuxième pour faire venir leurs pote caméraman en Inde et avoir des plans plus esthétiques et qualitatifs (impardonnable et méritant le bagne). Pour finir, et achever le spectateur, ils sont montés en "stop" à bord d'un bateau de croisière, faute de moyens pour rallier l'Arabie Saoudite.