Je sors tout juste de Sinners, le nouveau film signé Ryan Coogler avec Michael B. Jordan, et je vous le dis direct : je ne sais toujours pas si j’ai vu un chef-d’œuvre ou un délire complètement barré. Mais ce qui est sûr, c’est que j’ai vu quelque chose de nouveau. Quelque chose d’audacieux. Quelque chose qui va diviser.
L’histoire se déroule dans le Sud des États-Unis, dans les années 30. Deux frères jumeaux, anciens gangsters revenus de Chicago, décident de tout recommencer en ouvrant un club de blues dans leur ville natale. Leur rêve est simple : redonner vie à un quartier oublié, faire vibrer les murs avec une musique qui leur appartient. Mais bien sûr, rien ne se e comme prévu. Une entité mystérieuse rôde. Des figures inquiétantes apparaissent. Et le cauchemar commence.
Ce qui rend Sinners si unique, c’est sa manière de mélanger les genres sans complexe. C’est un film d’horreur, oui, avec des vampires bien présents, mais aussi un drame social, un western gothique, une fresque musicale. L’ambiance est dingue. Moite, hypnotique, tendue. On est littéralement plongé dans un trip sensoriel, où la musique blues devient un personnage à part entière, un cri de survie face à la menace.
Visuellement, c’est un bijou. Coogler a tourné en IMAX pellicule et en Ultra Panavision 70mm, un mélange inédit qui donne une ampleur folle aux plans. Le décor, les costumes, la lumière, tout est pensé pour nous plonger dans un monde aussi beau qu’inquiétant. Michael B. Jordan, lui, se dédouble avec une aisance bluffante. Il incarne les deux frères de manière hyper naturelle, et le résultat est techniquement impressionnant. À ses côtés, la révélation du film, c’est Miles Caton, dont le personnage et la voix vous hantent longtemps après la séance.
Mais attention, ce n’est pas un film grand public. Il faut accepter sa lenteur, surtout dans la première heure. Il faut accepter ses longueurs, ses symboles parfois opaques, ses prises de risque visuelles qui ne marchent pas toujours. Le film met presque une heure et demie avant de vraiment basculer dans l’horreur. Certains y verront un défaut, d’autres une montée en puissance. Moi, j’ai trouvé ça frustrant par moments, mais aussi fascinant.
Ce qui m’a vraiment accroché, ce sont les thèmes abordés avec subtilité et force. Le film parle de mémoire, de transmission, d’identité. Il parle de ce qu’on hérite, des blessures qu’on traîne, de la culture qu’on nous vole ou qu’on cherche à effacer. Les vampires ici ne sont pas juste des créatures horrifiques, ce sont des prédateurs culturels, des entités qui absorbent les différences pour proposer un monde lisse, sans douleur, mais sans âme non plus. Et la réponse du film, c’est la musique. La tradition. Le souvenir.
Alors non, Sinners n’est pas parfait. Il y a des moments où la géographie des scènes d’action est confuse, des fonds verts un peu cheap, et certains effets ne fonctionnent pas. Mais dans un paysage cinématographique de plus en plus formaté, ce genre de film fait du bien. Il tente, il explore, il échoue parfois, mais il ne triche jamais.
Mon avis en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=IUbnQF0rX28&feature=youtu.be