L’animation est l’une des grandes fiertés du cinéma français. Chaque année apporte son lot de nouveaux projets ambitieux et de très belles découvertes animées : la est l’un des leaders en la matière et nos longs métrages n’ont pas à rougir face aux productions japonaises, aux studios américains (ce n’est pas pour rien qu’Illumination est basé à Paris), ou plus récemment à l’émergence d’un secteur chinois.
Sirocco et le royaume des courants d’airs (mais quel titre délicieusement poétique !), sous ses airs de petit film à destination des enfants, est en réalité l’une des plus belles réussites d’animation de l’année 2023. Preuve en est, le film a fait l’Ouverture du Festival d’Annecy – référence mondiale en la matière – cette année-là, où il a remporté le prestigieux Prix du Public.
L’histoire convient parfaitement aux bambins (de 7 à 77 ans) : nous suivons Juliette et Carmen, deux sœurs intrépides de 4 et 8 ans (les plus grandes fans d’une série de livres pour enfants intitulées Le Royaume des courants d’airs), qui découvrent un age secret vers le monde magique, dirigé par le redoutable et énigmatique Sirocco. Transformées en chatons et rapidement séparées l’une de l’autre, elles vont mener une quête pour se retrouver et rentrer chez elles. Au cours de leurs pérégrinations, elles rencontreront des personnages hauts en couleur, comme la belle Selma la cantatrice, et bien sûr le redoutable Sirocco, le maître des tempêtes.
Le scénario, qui rappelle bien évidemment les déboires d’Alice dans son Pays des merveilles, est classique mais adroit, et réserve bon nombre de surprises enchanteresses. Les cinéphiles trouveront également avec plaisir de nombreuses références. A Miyazaki bien entendu, notamment dans la manière de mettre en scène ce monde magique, peuplé d’êtres étranges, mais aussi de manière évidente à Paul Grimault et son Le Roi et l’Oiseau (peut-être le plus connu des films d’animation français) dans l’architecture solaire de la ville et l’archétype des personnages.
Quoi de plus beau pour un film d’animation qu’un voyage, empreint de mélancolie. Une thématique récurrente dans le genre (Azur et Asmar, Tout en haut du monde, Le Petit Prince, La Jeune fille sans mains) mais qui porte toujours ses fruits !
Après avoir co-réalisé Tante Hilda en 2014 avec Jacques-Rémy Girerd, après plusieurs courts métrages (je vous recommande Cœur fondant, paru en 2019) et un long (Mia et le Migrou, en 2008) réalisés en solo, Benoît Chieux avait envie de monter un projet plus personnel et qui lui tenait à cœur. Le point de départ du film est une série de dessins qu'il a conçus au milieu des années 2010, et dont l’un représentait deux enfants agrippés à un moulin qui s’envolait, arraché au sol par un vent violent. Le cinéaste raconte : « Le style graphique était déjà celui du film : il répondait à une contrainte et à une ambition que je m’étais fixée alors : je pensais qu’il serait intéressant de partir sur un concept où les décors seraient conçus de façon identique aux personnages afin de pouvoir les animer eux aussi. » Benoît Chieux souhaitait également se donner comme challenge de montrer le vent en animation, une tâche particulièrement ardue. De ces dessins et cette idée est né le monde magique des courants d’airs, étoffé ensuite par le scénariste Alain Gagnol, qui a véritablement écrit le script de Sirocco.
Le résultat, dans le plus pure style 2D, est tout à fait formidable ! Certaines thématiques, comme le deuil et les idées préconçues, sont traités avec beaucoup de justesse, de délicatesse, et surtout beaucoup de poésie. Dommage que le film n’ait rencontré qu’un succès limité lors de sa sortie en salles (160 000 entrées, ce qui n’est pas énorme pour un film d’animation) car Sirocco est un beau voyage pour petits & grands !