Sixième Sens par pierrick_D_

Malcolm Crowe,psychologue pour enfants très réputé de Philadelphie,est agressé par un ancien patient sur qui la thérapie n'a apparemment pas très bien fonctionné.Quelques mois plus tard,hanté par cet échec,il prend en main le cas de Cole,car le cas de Cole est un cas d'école,un petit garçon très perturbé qui a des crises d'angoisse et lui rappelle ce patient qu'il n'a pas su aider.Pour son troisième long-métrage,le réalisateur-scénariste M. Night Shyamalan effectue une démonstration très maîtrisée et s'impose d'emblée comme le leader du thriller fantastique contemporain,faisant naître des promesses qu'il ne tiendra pas toujours,"Sixième sens" restant pour l'heure son meilleur film.Il s'agit d'un lugubre et virtuose exercice de cinéma d'atmosphère,l'ambiance étant entretenue par une certaine lenteur à base de longs plans-séquences,par des scènes impliquant peu de personnages,et par un script mystérieux que l'auteur sait prolonger jusqu'à un twist final renversant qui deviendra sa marque de fabrique.Il est solidement assisté pour l'entreprise par la photo gris-jaune automnale de Tak Fujimoto et par la musique immersive et sinistre de James Newton Howard,deux collaborateurs précieux qui l'accompagneront tout au long de sa carrière.La progression de l'intrigue est lente mais inexorable,et de dialogues sibyllins en apparitions horribles,nous entrons profondément dans la psyché des deux personnages principaux,ce petit bonhomme courageux et intelligent affreusement torturé mentalement dont on se demande comment il peut affronter ces atroces situations,et ce psy un peu largué,rongé par la culpabilité et en proie à des problèmes conjugaux.Evidemment,on sent bien que quelque chose ne tourne pas rond dans cette histoire,tout est étrange et froid,à la limite de l'onirisme,certaines choses ne collent pas dans les rapports qu'entretiennent les protagonistes,mais on ne sait pas quoi exactement,l'habile mise en scène de Shyamalan parvenant à entretenir le suspense.Le moment est venu pour moi de faire le malin,car j'ai grillé le twist vers la moitié de la projection,et pourtant je me fais facilement avoir par ces trucs.Du reste je me suis fait étaler par ceux survenant dans "Incassable" ou "Le village",alors qu'ils sont réputés plus faciles à deviner.C'est arrivé au moment précis où Malcolm vient visiter Cole à l'hôpital.Le petit lui avoue son secret,il voit des fantômes,et il décrit leur comportement en ces termes:"ils ne se voient pas entre eux,ils ne voient que ce qu'ils ont envie de voir,et ils ne savent pas qu'ils sont morts".Là,ça a tilté direct dans mon cerveau embrumé,les planètes se sont alignées et j'ai tout pigé.Ce qui est fort est que le plaisir de suivre le film jusqu'à la fin reste intact et qu'aujourd'hui,après une deuxième ration,il perdure encore,ce qui signe la qualité de l'oeuvre.Les émotions s'enchaînent brillamment tout au long de la projection,c'est énigmatique,c'est choquant,c'est émouvant,c'est parfois révoltant et souvent inquiétant,un cocktail fatal qui chope fermement le spectateur et ne le lâche plus.Il faut pour que ça marche une interprétation à la hauteur,et on est servi avec un trio d'acteurs au top de leur forme.Bruce Willis,une star pas toujours inspirée,fait ici montre d'un talent et d'une humanité bouleversants en psy à la dérive qui a autant besoin de son patient qu'il a besoin de lui.Le jeune Haley Joel Osment est tout bonnement extraordinaire et explose littéralement l'écran en gamin terrifié qu'on a irrésistiblement envie de protéger.C'est sans doute la meilleure performance d'acteur enfant de l'Histoire du Cinéma,hélas il ne confirmera guère par la suite,s'étiolant en vieillissant.Il avait ici onze ans mais tournait depuis l'âge de six ans.Détail amusant,il avait débuté dans des spots de pub,ce qui est le cas du camarade qui le persécute dans le film et qui se prend pour un grand comédien.Et puis il y a l'excellente australienne Toni Collette,magistrale en mère aimante mais perdue et déée par la situation.Le reste du casting est plutôt moyen,à l'image d'Olivia Williams qui joue l'épouse de Willis,charmante mais assez transparente,ce qui n'est pas grave car les autres personnages interviennent peu.Quant à Shyamalan,il fait son habituel caméo à la Hitchcock en surgissant brièvement en médecin hospitalier.Notes et critiques de films de M. Night Shyamalan publiées précédemment:voir critique "Glass".Nouvelle moyenne:6,5.