Deux plans fixes encadrent Stefan Zweig adieu l'Europe. Le premier cérémonieux marque l'arrivée de l'écrivain en 1936 au Brésil - qui sera son dernier pays d'exil. Le dernier - véritable tour de force qui combine champs, contre-champs, hors cadre dans un seul plan grâce à une porte-miroir qui bouge - met en scène les corps sans vie de Zweig et de sa femme Lotte découverts par la bonne, la police et les amis.
Entre les deux, quatre séquences - 2 intérieurs, 2 extérieurs - vont donner des pistes sur le pourquoi du suicide. Stefan Zweig adieu l'Europe dresse le portrait d'un homme qui essaye de rester digne intellectuellement et qui ne veut d'abord opposer au régime nazi, qui l'a forcé à s'exiler, que son art littéraire et sa rigueur intellectuelle. Cruel dilemme à une époque où l'opinion mondiale lui demande à lui l'écrivain juif célébré de dénoncer le régime hitlerien. À cela, Zweig répond : un acte de résistance qui serait sans danger n'est que vanité. Mais face aux demandes répétées de ses proches restés en Europe pour les faire venir aux Usa et prenant conscience de la violence de leurs situations, Zweig sombre dans le trouble, pris entre sa responsabilité et son intégrité. L'homme est aussi pris en tenaille entre son nouvel amour du Brésil - modèle à ses yeux du monde du futur d'une société multiculturelle - et sa profonde déprime face à la destruction de l'ancien monde. Le film parle de tout cela en 4 séquences, opposant la lumière hivernale de New York à la chaleur moite de Bahia, et résumant toute la complexité d'un homme et d'une époque. Et puis, comment ne pas faire un parallèle entre cette période de réfugiés européens fuyant à tout prix la barbarie et la période actuelle où d'autres migrants viennent taper à notre porte ? Pour un peu, le film nous appellerait à avoir un peu plus de mémoire...