Matt Damon n'hésite pas à aller dans des projets ou de simples rôles secondaires qui s'éloigne de celui si connu de Jason Bourne, prouvant aisément son amour du cinéma. Il s'affiche ici comme le parfait américain adepte des armes, foreur de pétrole sans emploi, mais nettement moins combatif, venant de son Oklahoma natal et de la ville de Stillwater en particulier, pour tenter de rendre justice à sa fille emprisonnée à Marseille, accusée du meurtre de son amie. Plus vieux l'acteur est particulièrement à l'aise dans le rôle d'un homme bourru au grand cœur, en quête de rédemption et en décalage tout autant dans sa propre vie que de celle qu'il essaie de mener à Marseille, menant son enquête et se laissant submerger par ses regrets, l'enfermant un peu plus dans une destinée courue d'avance.
Pour ceux qui connaissent la ville, les calanques et la mer d'un bleu profond, le ciel si clair et la brise des hauteurs, les quelques scènes mettant en valeur la cité Phocéenne fera toujours son effet, voire son effet nostalgique pour ceux encore qui l'auront quittée. Les habitants peu pressés, les bars de quartiers et leurs ruelles, ou Notre Dame, vue de loin, que tous connaissent. Les cités des quartiers Nord où les jeunes peu commodes, oscillent entre le parlé agressif et les blagues débiles, sans jugement de valeur, pour un seul constat d'un monde à part et certainement oublié. La violence des échanges, qui en une seule scène aussi rapide qu'efficace pointera le fossé entre deux cultures, sera renforcée par le barrage de la langue et la difficulté de communication. Communication mise à mal tout au long du film avec sa relation avec Virginie (Camille Cottin) rencontrée au hasard et qui aidera Bill tout en étant confrontée à son caractère mutique et chrétien.
Et c'est bien la première fois qu'une actrice française ne fait pas tâche dans un film américain. Il faut saluer la performance même si dans son personnage elle répondra au portrait parfait de la femme française indépendante, actrice de théâtre intello et aux vêtements appropriés, un peu dégingandé et au jean tombant...
En contrepoint, l'inégalité sociale avec les quartiers plus aisés et sa population attablée comme si souvent dans le cinéma français, laissant le silence remplacer leurs discussions inutiles, et Bill de s'en extraire.
Deux mondes attirés l'un par l'autre que les différences finiront de séparer et où les injustices seront en trame de fond. Le chemin de croix face à la justice française pour Bill, reste en filigrane et ne rend pas vraiment compte de la difficulté à faire rouvrir une enquête, et à en décrire la réelle difficulté à être entendu. C'est dommage.
Abigail Breslin laisse quant à elle, un curieux sentiment d'un jeu appuyé et peu convaincant et pour le coup assez théâtral, en regard des seconds rôles pour les jeunes des cités au naturel confondant (que l'on peut imaginer aisément heureux de leur scène avec l'acteur).
Avec également un faux twist que l'on devine assez rapidement, reste une intrigue entre drame social, thriller, et romance oscillant de l'un à l'autre mais où les enjeux pourront faire défaut. Une ambiance particulière de fausses pistes sans jamais finalement aller au bout de l'un ou de l'autre.
Un manque de communication qui ne servira qu'à une conclusion peu satisfaisante, peut-être le défaut de ce film par une résolution attendue à appuyer le cheminement de Bill. Et l'intrigue manquera certainement d'une vraie puissance si elle souhaitait confronter la toute puissance des Etats-Unis face aux autres.
Après Spotlight Tom McCarthy reprend sa quête de vérité, de communication et d'échanges pas forcément tempérés, à découvrir pour ce mélange de genre, qui en fait aussi son charme.