Après Take me to somewhere nice, un premier long-métrage prometteur mais frustrant, voyage initiatique dans sa contrée d'origine, la Bosnie, Ena Sendijarević évoque avec Sweet Dreams le é colonial du pays dans lequel elle a grandi, les Pays-Bas. Pour parler de ce "bon vieux temps des colonies", la cinéaste choisit une palette lumineuse, digne d'un conte de fées et truffe son récit de morceaux de réalisme magique et/ou de grotesque. Cette satire, située aux alentours de 1900, sur une petite île des Indes néerlandaises, se révèle parfaitement efficace, drôle et cruelle, pour ses colons, et tout en nuances pour une population autochtone loin d'être idéalisée et qui se débat entre assujettissement et désir d'indépendance. Le personnage de la servante, en particulier, pétri d’ambiguïtés, montre quels mécanismes met en branle le colonialisme, tant sur le plan physique que mental. Choisi par les Pays-Bas pour la compétition des Oscars 2024, dans la catégorie du meilleur film international, Sweet Dreams est une savoureuse évocation du temps é, dont le traitement moderne, loin d'être révisionniste, touche à une grande part de vérité, en accentuant, à la manière d'un Greenaway, ses traits les plus haïssables tout en s'en moquant de la plus sardonique manière.