A true master does not live for, he simply lives.
Avant de se lancer dans un film de Wong Kar Wai, il faut être prêt à signer un pacte avec le réalisateur. Pour une photo sublime, une mise en scène touchant à la perfection et une ambiance sans pareille, il faut être prêt à savoir prendre son mal en patience et être prêt à apprécier chacune des secondes du film. Jusque là, la balance avait toujours balancé vers le négatif pour ma part... Mais là y a du kung-fu.
Wong Kar Wai nous emmène donc dans la Chine des années 40 où on découvre successivement les grands maîtres que l'on va suivre tout au long du court-métrage, avec entre autres Ip Man, le maître du wing chun, incarné par un Tony Leung magistral, et Gong Er, détentrice de la technique du Ba-Gua et des 64 Mains, joué par Zhang Ziyi, sublime.
Contrairement à ce que le marketing nous a fait croire, on suivra tout autant l'histoire des deux, qui ne se croisent que rarement lors de scénettes aux consonances amoureuses. Ainsi, tandis que le premier fuit vers Hong Kong pour y enseigner son art, la seconde va devoir venger son père mort.
Inutile de citer les qualités du film, vous les connaissez déjà. Beau à en pleurer, chorégraphié à la perfection, style imparable, acteurs incroyables, ralentis éthérés, lumières divines, à aucune seconde le film ne connaît de faiblesse au niveau de sa plastique. En plus de tout cela, quelques effets spéciaux bien sentis viennent accentuer par moment la toute puissance de nos maîtres, que ça soit avec des projections folles ou des structures qui ploient sous la force des coups. J'ai également adoré la manière qu'avait Wong Kar Wai de montrer l'harmonie entre les combattants et la nature, que ce soit avec la pluie déchaînée qui accentue chaque mouvement ou la neige qui semble à peine troublée malgré les combats déchaînés. Le feu quant à lui apparaît étrangement dans les moments plus lents, comme pour montrer la fragilité de l'instant qui se déroule. Enfin, tout le film est enveloppé d'une fumée opaqué, provenant des cigarettes, de la vapeur d'un train ou du brouillard, apposant un voile opaque sur les différents protagonistes.
Les affrontements constituent bien entendu les clés de voûte du film, lui donnant son corps et son âme. Tout en puissance et en grâce, en force et en souplesse, ils font parti des plus beaux plastiquement que j'ai pu voir, même si on y perd souvent en naturel.
Cependant, l'histoire paraît bien souvent confuse, et on se perd souvent dans les personnages, de même que certains semblent parfois sortir d'un peu nul part... La faute à un montage étrange. En effet, après un court générique de fin, on a droit à un patchwork de quantité de scènes où Ip Man bottent les fesses à des méchants... Le problème c'est que tous ces moments alléchants ne sont pas dans le film ! De là on comprend que des impératifs ont fait que la version diffusée en cinéma n'est certainement pas celle que Wong Kar Wai aurait voulu nous montrer... Vivement la Director's Cut !
Le réalisateur Hong-kongais signe donc une œuvre sensible et violente où la rudesse des combats camouflent des personnages traumatisés ne vivant plus que pour la pratique de leur art. Bien qu'à ne pas mettre entre toutes les mains, The Grandmaster est très certainement un des films de l'année.
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