Dès les premières images, Alejandro González Iñárritu manifeste sa maestria, ses caméras volent, dansent, cabriolent, plongent. Sa virtuosité se fait insistante. Estomaquée, l’assistance s’interroge, mais comment fait-il ? Dans le silence absolu de la grande salle, en l’absence de musique, de sourdes conversations bruissent, chacun y allant de son hypothèse...
Mais, déjà une seconde question s’impose : pourquoi fait-il cela ? Les plans séquences de Avengers, la mêlée générale est un age obligé, qui nous conduit du tous contre tous informe, au tous unis face au « boss » adverse, conformément au « plan ». La cruelle mêlée du Revenant n’est qu’une boucherie. Tant de grâce pour une tuerie, n’est-ce pas vain ? Une vanité qui s'accroit si vous visualisez le déploiement de caméras, grues, véhicules, groupes électrogènes, acteurs, figurants, consultants et techniciens, nécessité par la scène, dans ce qui nous est présentée comme une nature inviolée.
Après une lutte à mort contre un grizzli, le trappeur Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) est laissé pour mort par ses camarades et son fils froidement tué. Pour le venger, il doit survivre. Cœurs sensibles, accrochez-vous. The Revenant oscille entre contemplation et scènes d’équarrissage. Le panthéisme triomphant de Dersou Ouzala ou Jeremiah Johnson, la spiritualité d’Ivan Roublev et la complaisance pour la cruauté des 8 salopards. Massacres, viols, tortures, rien ne nous est épargné.
Que nous dit-il ? Les Blancs se haïssent et les Indiens se détestent. Les Blancs méprisent les Indiens qui dédaignent les Blancs. C’est la guerre. Qui a commencé ? Va savoir, le cycle mimétique de la haine et de la vengeance tourne à plein. L’homme est (pire qu’) un loup pour l’homme. Trappeurs et Indiens ne respectent que le lien du sang, plus rarement de l’amitié et de l’humanité. Tous sont emportés dans la danse macabre. Dans les dernières secondes, González Iñárritu semble atténuer son propos, seul Dieu venge... Trop tard.