Je ne connais pas le roman de Simenon à l'origine du scénario de ce film de Marcel Carné. Mais on y reconnait bien l'ambiance sombre de la rencontre de deux âmes françaises solitaires et errantes dans un New York, moderne, technique, nocturne et inhumain.
Lui, un acteur, s'est réfugié à New York après s'être fait viré de belle façon par son épouse à Paris, qui lui préfère un petit jeune…
Elle, l'ex-femme d'un diplomate, comte italien, s'est réfugiée à New York après un divorce où elle a dû abandonner sa fille.
La rencontre, fortuite, a lieu dans un bar baigné par une musique de jazz où un saxo lutte pied à pied avec un piano. Une musique bien des années soixante, bluesy, douce, entêtante qui devient un mince fil reliant nos deux personnages.
Le film noir par excellence. Mais attention, le film noir où on assiste à une lente reconstruction, une difficile renaissance.
À moins que ce ne soit "la dernière carte à jouer" de deux êtres meurtris et qui n'attendent plus grand-chose de la vie, comme le suggère, sarcastiquement, le producteur qui embauche l'acteur…
Histoire somme toute assez banale où on boit sec et où on fume beaucoup (la loi Evin n'est pas encore ée à New York en 1965…).
Banale ? Oui, mais je n'ai pas encore tout dit !
Lui, c'est un Maurice Ronet, bel homme, profond, déraciné, en recherche de lui-même. Même professionnellement, il végète. Echec de sa vie privée à Paris, échec à Hollywood. Reste New York, la ville où "la chance peut reer" … Là, le doute s'installe chez le spectateur. Son personnage est-il si franc du collier qu'il veut bien montrer ? En tous cas, Maurice Ronet est un excellent acteur …
Elle, c'est une Annie Girardot qui a un peu laissé sa gouaille pour endosser un rôle extraordinairement digne et tout en retenue. Pourtant le personnage en a gros sur la patate. On (Marcel Carné, le scénario) instille même un doute : Annie Girardot est-elle ce qu'on nous laisse voir ou cache-t-elle un rôle de fieffée salope face à Maurice Ronet ? En tous cas, Annie Girardot est une actrice qui ne m'a jamais déçu et que j'adore (Pour moi, c'est la Ingrid Bergman française)
Du casting, je retiendrai encore Otto Eduard Hasse ou OE Hasse dans le rôle du producteur new yorkais de télévision dans un rôle truculent d'homme par qui le scandale (peut) arriver … C'est lui qui embauche Maurice Ronet pour une minable émission (alimentaire) de télévision … et qui est aussi conseiller en affaires matrimoniales …
Et puis, avouons-le, j'aime beaucoup la musique du film concoctée par Mal Waldron et Martial Solal dont j'ai déjà parlé et qui est une véritable toile de fond obsédante du film.
En bref, film qui fut à sa sortie la risée de la Nouvelle Vague. Je suis heureux de voir que le film survit très bien en 2023…
Ah oui, j'oubliais le dernier point, c'est aussi le premier film où apparait Robert de Niro comme figurant dans un restaurant. Mais je préviens, il faut s'accrocher pour le reconnaître …