6 ans après l’assez raté Downsizing, Alexander Payne revient sur un terrain plus familier, où il sera question de portraits empathiques d’êtres un peu cabossés par l’existence. Dans The Holdovers (ceux qui restent, en somme, n’en déplaise à cet énième exemple d’un titre français traduit… en anglais), un professeur d’une école privée doit assurer la garde d’élèves ne pouvant rentrer chez eux à Noël, un contexte singulier aboutissant à un trio entre un prof, un élève détestable et une cuisinière, le tout dans les trop grands espaces d’une institution à l’arrêt. Un beau point de départ qui, sur bien des points, ret le point de départ de Breakfast Club, où des individus contraints vont devoir cohabiter et apprendre à se connaître. À cela s’ajoute un contexte historique, celui des années 70 et de la guerre du Vietnam, abordée en arrière-plan, puisque le fils de la cuisinière noire y a perdu la vie.
Toujours sous l’influence de son maître Hal Ashby, Alexander Payne nous livre donc un film à l’ancienne, où le vieux ronchon bigleux et malodorant va s’ouvrir à la jeunesse rebelle et brisée, chaque acariâtre livrant progressivement ses failles devant les yeux bienveillants d’une figure maternelle. L’histoire est un peu longue, un brin redondante et certains arcs (la fugue vers le père par exemple) légèrement surécrits, mais l’ensemble est compensé par des prestations délicieuses, dont celle, évidemment de Paul Giamatti dont la voix de bariton s’excitant sur les trésors de l’Antiquité procure un plaisir assez rare. Les chansons savamment sélectionnées, l’ambiance d’un Noël décalé où l’on évacue toute la facticité habituelle, le voyage dans une époque concentre aussi une certaine forme d’innocence bienfaisante. Les démons ne sont pourtant pas occultés, et nos trois protagonistes sont tous concernés par le racisme, l’autorité des bienfaiteurs riches sur la politique de l’établissement ou la négligence parentale. Mais l’esprit des fêtes se déplace sur un terrain bien connu par Payne, celui de l’échange et de la solidarité, permettant d’investir un gymnase désert ou un réfectoire désert pour y ménager une petite alcôve festive.
C’est peu, c’est éculé, mais quand c’est bien fait, c’est bienfaisant.
(6.5/10)