L'art de l'illusion et de l'applaudissement sur scène

Il y a ces films qui reviennent sans cesse à vos oreilles, que les gens ne cessent de citer, d'utiliser et de revendiquer. Yannick en a fait parti, et je n'ai pas su résister ; je l'ai regardé à mon tour.

J'en suis encore perplexe puisque je ne sais pas encore situer mon ressenti entre l'ennui et l'impressionnant. J'ai aimé regardé ce film, c'est vrai ; tout comme il m'a quelques fois ennuyé.


Il s'agit d'un film parfait pour l'étude théâtrale : de son rapport au spectateur, à son écriture et sa frontière poreuse entre ce qui est joué et ce qui ne l'est pas. J'ai adoré imaginé que le public, lors de cette prise d'otage, pensait qu'il s'agissait du scénario établi par le dramaturge, que cela devait se er comme ceci car on l'avait écrit en amont. Je me suis imaginée à mon tour dans le public, j'ai imaginé mes réactions et le degré de malaise qui aurait envahit mon corps peu à peu si j'avais réalisé ce qu'il se ait. Tout bêtement j'aurais cru que cal faisait parti du scénario, et je me serais plongé dans l'histoire sans réaliser grand chasse.

Ici réside, profondément, toute la crédulité (et son baromètre subjectif de croyance) que nous demande le théâtre car c'est un art qui met le corps dans une certaine disposition de sorte à oublier la réalité, et à rentrer dans la ronde de l'illusion.


Lorsque Artaud avait déclaré, dans Le Théâtre et son double, “Sans un élément de cruauté à la base de tout spectacle, le théâtre n'est pas possible.” le film Yannick aurait pu être cité en note de bas de page, en dépit de son anachronisme. C'est à se demander quelle exacte cruauté il met en scène.

Je dirais qu'elles sont multiples : la cruauté des acteurs de se moquer de cet homme décousu et touchant, la cruauté de Yannick de ne pas se rendre compte du monde qui l'environne comme un enfant qui persiste à exister sous les murs adultes que dressent le corps qui grandit, la cruauté du public de ne pas réagir et croire encore à la fiction. Fiction qui rappelle sans doute le mensonge, l'art de faire semblant : semblant d'y croire ? semblant de jouer ?


Ce film m'a marqué pour le personnage bouleversant de Yannick ; je ne cite pas le début du film mais plutôt de sa fin. De ce regard enfantin, tourmenté, humidifié qui transperce la caméra et nous touche directement. Ce regard m'a si longtemps perturbé que j'ai reé la scène en boucle pour essayer de saisir l'émotion qui le saisit à ce moment précis (l'émerveillement ? la joie innocente de l'enfant qui réussit enfin à faire rire après des années à être torturé par les moqueries des autres ? la réalisation ? le remords ? le rêve ? la fascination ?).

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le 29 févr. 2024

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amezigue

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